Le livre ci dessus n'est pas la compil de travaux d'Alex Toth que je préfère (trop de romance à mon goût) mais la longue itw de 1968 qui ouvre l'ouvrage est probablement l'une des lectures les plus intéressantes sur notre art favori
Il faudra d'ailleurs que je la relise
Pour les 10 ans (déjà) de la disparition de ce génie (n'ayons pas peur des mots, les génies de notre art favori sont peu nombreux) voici une chose fascinante
Toth a réalisé, fin des 70', une histoire extra. Malheureusement il n'est pas l'auteur du scénario, mais il le transcende
Voici l'intégralité de cette histoire courte, annotée par Toth lui même!
S'il était d'une intransigeance notoire en évoquant le travail des autres, on voit qu'il était au moins aussi sévère avec lui même
A part l'évidente faute de goût du scénariste qui a imposé de gros pavés de textes blanc sur noir, la plupart du temps la 1ère réaction à le lecture des notes peut être de se dire "il exagère, elle est top cette séquence", puis on réalise qu'il voit en fait le décalage (inévitable) entre sa pensée et sa réalisation, et on s'incline. Parfois même la "faute" se voit. Mais relativisons : c'est un boulot 100 coudées au dessus de la narration BD actuelle
L'une des preuves de son talent : tout n'est pas lisible, pour les textes, à cette résolution, et pourtant on ne perd rien d'essentiel grâce au dessin/découpage
La dernière page, sans commentaires et en meilleure résolution
Cette page, parmi d'autres, me renvoie directement au travail de l'un des ses fils spirituels (l'un des meilleurs, avec le regretté Darwyn Cooke)...
...David Mazzucchelli et son histoire courte, proche du thème, Big Man
Toth résume son approche,que je ne peux que partager à 100%, en un seul dessin commenté
J'ai rarement vu des planches aussi exemplaires au niveau de la narration, Toth n'aura décidément pas usurpé sa réputation et son immense talent.
RépondreSupprimerC'est malin maintenant j'ai encore plus envie de craquer pour le Creepy Presents qui reprend cette histoire, et aussi le Blazing Combat que je cherchais, certes disponible sur le net mais c'est toujours plus appréciable sur papier n'est-ce pas Phil ?
c'est sur
RépondreSupprimeret j'ai le même "souci" (à cause de moi qui plus est :)
Voilà une entrée qui me ravit : cette itw en ouverture de "Setting the Standard" devrait être enseignée dans les écoles de dessin et de BD ! Ce n'est pas pour rien qu'on l'appelle "the artist's artists", j'ai d'ailleurs rarement lu un dessinateur dire du mal de Toth, malgré l'extrême exigence qu'il avait envers ses pairs et plus encore, comme tu le soulignes, envers lui-même. Mais c'est grâce à cette exigence folle qu'il pouvait se permettre par exemple d'affirmer qu'un mythe comme Alex Raymond était un bon artiste mais pas un bon narrateur : c'est là la leçon de Toth - le dessin en BD est une narration, il doit "plusser" le script. Il ne s'agit pas seulement de faire joli ou fort, il s'agit de dessiner juste, en servant l'histoire.
RépondreSupprimerEt puis, évidemment, Toth, c'est le "less is more", dégager tout ce qui n'est pas essentiel, épurer le trait. Il a souvent été mal encré, ou alors encré sans que cela rende justice à la simplicité si efficace de son trait (Mike Peppe était bon, mais quand on compare ses pages avec celles où Toth s'encre lui-même, rien ne vaut les pages entièrement réalisées par le maître).
C'était un théoricien à la pensée formulée aussi clairement que son dessin, très dur, cassant, intransigeant, mais très intègre, très professionnel. Ce qui me fait plaisir, c'est qu'aujourd'hui son influence est manifeste chez beaucoup de très bons dessinateurs, qui ont bien retenu ses leçons : Mazz bien sûr, mais aussi Samnee, Lark, Smallwood, Shaner, Rivera, Rude (qui avait pourtant reçu une éprouvante correction de la part de Toth en illustrant "Jonny Quest" et en lui soumettant ses planches), et même le regretté Cooke (qui avait si bien intégré aussi Kirby). Ce ne sont pas de pauvres clones, de banals imitateurs, il réinterprète les gammes de Toth. Je crois qu'il serait flatté et satisfait de leurs boulots (même s'il n'aimait finalement guère les super-héros).
Pour ce qui est de "Setting the Standard", il y a effectivement beaucoup (trop ?) de romance, mais aussi des pépites sf. Toutefois, effectivement, pour goûter le génie de Toth, mieux vaut aller directement lire ses "Zorro" (dispos chez Image en vo, Glénat en vf) ou se procurer la splendide réédition (bourrée de bonus) de "Bravo for adventure" (chez IDW), son unique creator-owned.
je suis d'accord avec tout ce que tu dis
RépondreSupprimerJe relativise juste un peu les propos qu'il aurait tenu sur Raymond (dont j'ai en effet lu des bouts de cet acabit)Je ne suis pas sur qu'il soit mauvais narrateur, il plaçait seulement son exigence plus au niveau du dessin pur en effet, mais sa narration, pour ce que j'en ai lu, n'est pas mauvaise, elle est "juste" plus "banale"
je suis très largement plus adepte de Toth que de Raymond, pour tout, cela dit
C'est un des meilleurs travail de Toth que tu nous présentes, j adore de plus en plus ces histoires publiées par l'éditeur warren, avec aussi l'armada d'artistes hispaniques qui à fait un travail.....fantastique ,pour cet éditeur.Même Mazzucchelli pâtit de la comparaison face à ce Toth là, il paraît inutilement maniéré, un comble pour un adepte du less is more.
RépondreSupprimerUn autre génie de l'art séquentiel, Harvey Kurtzman en l'occurrence, trouvait en revanche que le less is more était un foutage de gueule complet;un habile moyen, surtout rhétorique,de produire vite et d'économiser son énergie.Tous les goûts sont dans la nature , et il est toujours bon de croiser les points de vue pour se faire un avis.
Kurtzman n'avait pas meilleur caractère que Toth, était comme lui assez jaloux de son "aura" artistique,avec sa cour de fans enfiévrés .Surtout jaloux de Al Feldstein qui lui avait succédé à la tête du magazine Mad avec un succès considérable dans le cas de Kurtzman.
Beaucoup d'intransigeants artistiques , qui ne trouvent grâce pour personne, sont surtout des égotiques qui ont trouvé ce moyen pour se tenir- surtout à leurs yeux- au sommet de la pyramide.Dans tous les domaines les exemples sont légion.
il faudrait creuser chez Kurtzman. Il faisait des découpages poussés, pour les autres dessinateurs, quand il scénarisait. Est ce à dire qu'il lui semblait logique que le dessinateur en question justifie son salaire et ne fasse pas le "minimum syndical" en collant de trop près aux crobards? Auquel cas pourquoi pas (et encore)
RépondreSupprimerDans l'absolu s'il est évident qu'en faire des caisses en détails va souvent signifier essayer (en vain) de masquer une indigence de construction ou de rigueur...il est possible que certains utilisent en effet ce "less is more" pour en faire le moins possible, mais dans ces cas là ça ne tient pas la route longtemps et la supercherie est vite mise à jour
Ca ma fait penser à ce gars, Tom Grindberg qui, après avoir copié Neal Adams, a eu un passage, dans les 90', où il copiait, ou tentait de, Mignola. Il en faisait donc moins, enlevait les détails, ajoutait du noir...mais sans avoir compris l'approche réelle de Mignola, le résultat était une horreur
Grinberg c'était pas folichon c'est sûr avec ses personnages tellement baraqués qu'ils donnent l'impression d'être obèse.
RépondreSupprimerÀ l'inverse John Paul Leon a bien retenu les leçons de Toth, j'apprécie l'épure plus marquée de son style ces dernières années.
oui parce que jusqu'à présent je trouvais qu'il saturait trop de noirs, au détriment parfois de la lisibilité
RépondreSupprimeret pour appuyer la filiation évoquée :
RépondreSupprimerhttp://www.johnpaulleon.com/_uploads/artwork/fs/JPLEON_TOTHtributeC.jpg
Waouh,ce dessin de Leon est un petit bijou.
RépondreSupprimerGrindberg a beaucoup louvoyé:Adams, Mignola, Frazetta.....Mais l faut comprendre aussi, pour la" période" Mignola de Grindberg, ces artistes des années 90-une grosse période de crise et d'égarement créatif- qui cherchaient à imiter le style des stars pour avoir du boulot a tous prix, comme le pauvre Herb Trimpe qui, avant d'être licencié tristement par Marvel en faillite, en 1996, a cherché à imiter le style de Liefeld , c'est dire....!Sur quelques petites illustrations en noir et blanc l'influence Mignola de Grindberg a fonctionné, je trouve, mais c'est vrai que pour le reste....
J'adore l'approche"less is more"globalement , quand elle est convaincante, parce que mûrement réfléchie; mais j'adore autant la surinformation visuelle qui , a mon sens, demande autant de réflexion et de talent pour être réussie, pour être parfaitement lisible,puisque la gestion du "gris optique"y est tout aussi stratégique . En fait, je laisse le loisir à l'artiste de proposer et juge ensuite sur pièce.J'adore tout ça en fait, pas impossible que ce soit la raison pour laquelle je viens régulièrement ce blog :-))))
He he, merci, et c'est un plaisir d'échanger.
RépondreSupprimerVoir d'autres approches est toujours intéressant oui, ne serait ce que pour être en mesure de réellement comparer.Après quel style nous parle le plus, c'est autre chose.
Le "less is more", c'est surtout un cheminement graphique, je crois. Toth l'explique d'ailleurs très bien, il a progressé toute sa vie en expérimentant, en multipliant les formats (son passage comme designer chez Hanna Barbera a été déterminant par exemple, même s'il convenait que ses visuels n'étaient pas commodes pour les animateurs car son trait était anguleux alors que le dessin pour les cartoons préfère les rondeurs, les courbes).
RépondreSupprimerConcernant son partenariat avec Kurtzmann, Toth semblait être partagé : d'un côté, il est manifeste qu'il le trouvait très (trop) dirigiste, mais de l'autre, il s'est finalement amusé des contraintes de certains exercices (par exemple, ne pratiquer que des découpages en "gaufriers" de six cases). Je crois que ce qu'il n'appréciait vraiment pas, c'est de devoir respecter toutes les instructions de Kurtzmann (les valeurs de plan, les angles de vue, les indications sur les ombres et lumières - toutes choses où il était supérieur et n'avait pas besoin de tuteur). C'est comme l'encrage, il appréciait Mike Peppe, mais quand il pouvait s'en charger (comme le lettrage), il dosait incomparablement mieux ses effets (la finesse de traits, les contrastes, etc).
Par rapport à une certaine profusion visuelle, ce n'est pas incompatible avec l'économie préférée par Toth, c'est juste une discipline du dessin différente. Par exemple Giraud/Moebius a théorisé intelligemment là-dessus en s'appuyant sur les styles de Hergé (la ligne claire donc, une forme de "less is more" maximale) et de Franquin (un trait plus nerveux). Il disait que Hergé, étant un cérébral, un "freak control", fasciné par l'art asiatique, tendait vers cette épure autant par goût que par défi. Tandis que Franquin était dans une énergie qu'il a longtemps contenu puis a libéré à un moment, quitte à aller vers une outrance, un trait "sale", agressif, qui faisait écho à sa personnalité plus tourmentée, hésitante.
Et Giraud se réclamait de Jijé et de Franquin quand il dessinait "Blueberry" alors que ses travaux signés Moebius ont abouti à une simplicité à la Hergé. Bon, évidemment, pour passer de l'un à l'autre, il faut une souplesse, une élasticité qui ne sont pas données à tout le monde !
Pour ma part, j'étais, plus jeune, plus impressionné par le dessin très détaillé, une abondance d'informations visuelles, et je reconnais encore aujourd'hui que ça demande un effort réel (même si parfois ça se fait au détriment de la narration ou que c'est tape-à-l'oeil). Aujourd'hui (en fait depuis que j'ai lu pour la première fois "Batman : Year One"), je suis plus attiré par un dessin épuré où ne subsiste que l'essentiel. C'est parfois à la limite du maniérisme (Mazz est allé jusque-là dans son "Asterios Polyp"), mais c'est passionnant à décrypter parce que, finalement, l'artiste prive le lecteur de repères, il procède par élimination. Le dessin devient quasiment un signe, il vise l'évidence en se dérobant. Courir après le sens de ce genre de dessin est très stimulant parce qu'on se demande jusqu'où ça peut rester compréhensible avant de basculer dans l'abstraction.
On en revient à ce qui est intéressant vs ce qui nous parle au coeur/tripes; Je comprends la fascination pour le minimalisme de Hergé, le dessin poussé au bout mais maniéré d'Asterios, ou le trait poussé jusqu'à l'icono de Chris Ware, et c'est passionnant, mais pour moi ce qui me parle est plus de l'ordre du less is more ET du trait jeté/spontané. Le cumul des deux m'est nécessaire,d'où ma passion pour l'approhce de Toth, Mazz Born Again/Year One, ou le regretté Darwyn Cooke. Pour moi Franquin n'est pas forcément dans la profusion, il est dans spontanéité, à l'opposé d'Hergé
RépondreSupprimerLa profusion à mes yeux, dans ce qui est négatif c'est l'approche des débuts d'Image avec les excès de traits masquant un médiocrité. Maitrisée, cette profusion peut être jubilatoire avec un Art Adams moderne, ou un pur exercice de style soporifique à la Darrow