vendredi 14 juillet 2017

Mark Morales

 Je parle souvent des encreurs qui me plaisent, qui embellissent, voire améliorent, des crayonnés. Je rétablis un équilibre en évoquant un technicien, honnête artisan encreur, qui n'est pas, loin s'en faut, dans mon top ten, mais qui est représentatif d'une catégorie d'encreurs assez présents de nos jours dans les comics, et qui n'a pas à rougir de son travail
Mark Morales est de l'école de Tim Townsend (que je place néanmoins au dessus), à savoir les encreurs techniquement bons, mais très propres et qui ont besoin de suivre un trait de crayon précis, sans improviser. Encore au dessus citons Mark Farmer 
La case ci dessus est un encrage en cours de Bagley
Ci dessous deux cases de Ed McGuiness
 
 On voit bien que, à la plume ou au pinceau, Morales suit un crayonné extrêmement détaillé
Il le met au propre, comme pour ce visage made in Quesada
 Jusqu'au bout de l'excès avec cette horreur (Philip Tan) qui nécessite toutefois de ne pas trembler en encrant
 Il colle assez bien, en duo, au style de Leinil F Yu
Je trouve néanmoins dommage qu'il ne simplifie pas, surtout la 1ère image, comme le faisait, à sa grande époque, Terry Austin, capable de suivre un crayonné fourmillant de détails mais en en enlevant très légèrement, pour plus de lisibilité
 
 
 Je n'ai pas trouvé de crayonné mais je trouve sa collaboration avec Olivier Coipel très agréable à l'oeil
 Il lui faut clairement un certain style de dessin
Ce qui n'est pas le cas avec Romita jr. Il fut son encreur le moins adapté
Sur un rendu techno comme une armure ça passe (dommage pour le fond traité avec des lignes étrangement posées)...
mais sur de pages intérieures ça ne va plus. Ce n'est déjà pas le meilleur boulot de JRjr (Sentry) alors avoir un encreur qui fige le dessin d'un encrage doux, net et fin... dommage
 Un exemple plus parlant, sur une couv (très très moyenne) qui nécessiterait d'être poussée vers plus de Kirby par un encreur puissant

Morales fait un travail d'orfèvre, de précision, sur un matériau brut qui demande à être maltraité, explosé, voire sali
 Sur la même période, Jrjr a redessiné Sentry, cette fois encré par Janson, et même si ce n'est pas là que le duo fonctionna le mieux côté puissance (cf Thor) on sent une patate plus importante 
Il y a des traits d'encre nerveux, plus rapidement posés, là où Morales s'applique à faire des traits de la même épaisseur, bien parallèles...
La technicité ne fait pas tout, mais avec la "mode" actuelle d'avoir des dessinateurs rendant des crayonnés TRES précis, presque imprimables sans encrage, il est inévitable (mais regrettable bien sur) que le métier d'encreur se tourne plus vers des techniciens que des embellisseurs

4 commentaires:

  1. Mark Morales convient mieux à certains dessinateurs qu'à d'autres, qu'il est en somme très/trop appliqué, mais il a le mérite de définir le dessin.

    Je l'ai découvert lorsqu'il a encré Coipel, notamment lors du run de "Thor" écrit par JMS. J'avais acheté les recueils de leurs épisodes communs (les 12 premiers, avec un fill-in de Marko Djurdjevic aux #7-8), et justement, dans le premier album, on trouvait comme (maigres) bonus les crayonnés de Coipel (notamment du "characters designs"). Et donc on pouvait constater que Morales ne faisait pas que repasser Coipel, mais le nettoyait, l'affinait, le jugulait même (je parle là, en fait, d'une époque où Coipel affichait encore une certaine régularité - capable d'enchaîner 6 épisodes, avec une stabilité du trait, un sens du détail... Toutes choses qu'il néglige complètement désormais !). Immonen a très bien résumé Coipel, et Morales, quand il a dessiné "Fear Itself", louant la majesté de ses compositions, la spontanéité énergique de son trait, tout en suggérant qu'il était un peu trop fougueux, indiscipliné (jugement vérifié donc).

    Morales, en fait, quand il dispose d'un artiste à sa main et d'un coloriste qui n'empiète pas sur ce qui a précédé graphiquement (comme Laura Martin sur "Thor" puis la saga "Siege", toujours avec Coipel), le résultat est parfait. On sent une vraie alchimie entre le dessinateur, l'encreur et le coloriste. Sinon... C'est juste bon, bien fait, soigné, un peu scolaire.

    La mini-série "Sentry" où il encrait JR Jr m'avait bien plu, pas tellement pour l'histoire (je n'avais pas lu la première, de Jenkins avec Jae Lee), mais j'aimais bien justement ce côté plaqué sur Romita, moins chargé que du Miki, même si moins subtil que du Janson. JR Jr est effectivement plus à son avantage avec un encreur plus épais, qui peut suivre son énergie. Morales soigne la ligne, le trait d'abord, moins l'épaisseur du trait, les lignes ouvertes. C'est clairement un encreur "du milieu" : pas capable de sublimer un dessin, mais compétent pour ne pas le gâcher. Sa versatilité aussi empêche de le distinguer (quand tu passes de Bagley à Coipel - qui a, malheureusement, fini par se passer de lui, d'où des retards encore plus conséquents, un rendu pas toujours heureux - via Bagley et j'en passe), tu es moins remarquable que Merino avec Pacheco, Von Grawbadger avec Immonen, Gaudiano avec Lark, etc.

    Un dernier point : il est exact que désormais on voit des dessinateurs s'encrer eux-mêmes, parfois avec talent (Samnee, Schiti, Marcos Martin, Janin...). Mais aussi se passer d'encrage, en appuyant leurs crayonnés au maximum (l'impression est devenue tellement précise qu'il n'y a pas de pertes, ou alors certains utilisent une mine de plomb pour repasser leurs crayonnés - Dale Eaglesham), voire mixent encrage traditionnel, infographie et effets additionnels au crayon (comme Smallwood, qui tire de ce mélange des effets superbes). Matthieu Bonhomme n'encre pas ses crayonnés, il encre une feuille blanche superposée sur une table lumineuse (comme un calque), et ajoute des à-plats noirs et des effets de gris en tapotant les zones passés au pinceau sec (bon, ce mec est un extraterrestre, maîtriser ces étapes n'est pas donné à tout le monde).

    Tout ça signe l'encrage, distingue l'encreur. Morales n'est pas aussi audacieux ni personnel.

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  2. J'ignorais son apport sur Coipel, mais sur les autres il "repasse" plutôt. Il cherche le "joli"trait d'encre. C'est peut être sympa quand le dessinateur cherche le "beau" (Quesada nouveau)mais pour JRjr je n'ai fais que grincer des dents. Il fige un trait qui veut respirer
    Un bon technicien

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  3. c' est là que le cap est difficile à passer !
    s' appliquer à être un " bon technicien", pour assimiler le trait des autres, étape, qui prends des années, pour ensuite, être un " bon encreur". c.a.d, apporter ce petit plus au dessin original, que seul l' oeuil aguerrit perçoit... !
    c' est comme respecter l' artiste, tout en y amenant sa " touche personnelle", c' est un truc qui se travail pendant des années.
    en fait, en ce qui me concerne, c' est dans le traitement des fonds, du rendus des effets métalliques, des matières organiques que je peu mettre ma " touche personnelle", pour l' anatomie, les perso, j' essais au mieux d' être un" bon technicien", et de respecter ainsi le trait du dessinateur, sinon, celui ci gueule un peu, "il" ne reconnait plus " son dessin"... :) !
    mais il est vrais aussi, que les crayonnés très poussés ne laissent pas libre cours à l' improvisation, sinon, on te dit que tu es " mauvais", tu n' as pas respecté le gars qui a dessiner avant.
    bref, l' équilibre n' est pas facile à trouver entre un encrage respectueux/ pas trop scolaire/ l' apport de sa "patte" !
    et la combinaison duo magique : dessinateur /encreur, difficile à trouver , chacun à des point de vue différents sur la finalité de son trait.

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  4. sans oublier le coeur de la chose : que veut le dessinateur et/ou l'editor; Ils décident au final quand même
    Un dessinateur comme Alan Davis ne demandera jamais à avoir Sienkiewicz ou Janson car il ne veut pas voir sur son trait ce genre d'apport
    A l'inverse un editor qui veut booster le trait d'un John Mccrea (ce fut le cas sur Hulk) appelle Janson, pas Mark Farmer
    Chacun son approche (et son savoir faire bien sur)

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