mardi 10 novembre 2020

Nous ne sommes pas des anges

 


Voici un petit livre atypique, sur le fond et la forme, qui date de cet été mais qui a bien pu passer sous le radar du fait des "évènements".
Makyo est le directeur de collection. Le scénariste, Toldac, nous présente un fait divers bien sombre (une femme accusée d'être responsable de la mort de deux de ses enfants) avec la notion, le titre vous aura guidé, d'anges gardiens que nosu aurions tous

Je ne suis pas fana (pour le moins) de la postface par un philosophe/thérapeute/romancier, mais le bouquin m'a intéressé, par son format d'abord (petit, souple, n et b et bonne pagination/75 pages)
et surtout par son duo de dessinateurs.
Comment ne pas parler d'un duo, en franco belge, ici où nous parlons tant de couples dessinateur/encreur
Seulement sur ces pages, c'est différend

Le contact initial se fait entre l'éditeur et Franck Biancarelli
Ce dernier assure donc, de fait, le rendu final attendu par celui qui "vient le chercher"
Il a proposé à son complice et ami, le dessinateur Laurent Gnoni, de travailler avec lui.
Laurent se charge du rough, et Franck de la finalisation.
C'est le principe, qui souffre bien des exceptions, comme des pages faites à 100% par l'un ou l'autre, et des retouches faites sur la version finale par celui qui se chargeait du rough
Point commun: un travail sur cintiq, sans papier, pour les deux

J'aime beaucoup voir la cuisine interne, alors je me dis que vous aussi, peut être
Merci à Franck et Laurent pour les exemples qui suivent

Les deux auteurs n'ont pas des styles opposés, c'est certain, même si leur sensibilité graphique n'est pas identique
Malgré tout il est difficile, sans le savoir avant, de "deviner"qui a fait quoi

Voir comment une photo est utilisée, intégrée, à une page imprimée, est toujours passionnant



Il semblerait que l'attitude de la petite fille, an case 4, soit du 100% Laurent Gnoni

J'aime particulièrement la case 1 et son ambiance, grâce aux grisés



Ici nous avons presque l'impression d'être face à un duo dessinateur/encreur des années 80 (pour le côté crayonné non poussé)


Pour celle là, la mise en page est conservée mais Franck change le rendu, fait la page finale à sa patte (avec un Toth qui le surveille, perché sur son épaule)

Une belle osmose entre les deux auteurs
Pour l'anecdote, me souffle-t-on dans l'oreillette, Laurent a modifié l'ombre, en gris donc, de l'avant dernière case dessinée/encrée par Franck



Celle ci est 100% Laurent Gnoni, du début à la fin


Et à tout seigneur tout honneur, final : celle là est entièrement faite par Franck Biancarelli (qui a travaillé sur cintiq, sans rough préalable)
J'aime bien quand il joue des gris, sans cernés
En espérant que ce process ait titillé votre curiosité et dans ce cas...click and collect auprès de votre libraire préféré

21 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. Enfin un truc intéressant sur ce blog.
    En tout cas merci Phil, ça me fait plaisir de revoir tout ça mis en perspective.
    Je crois qu'on a beaucoup joué à se faire plaisir, tout en cherchant à en faire profiter le livre.
    Je ne suis pas fan non plus de ce qu'est devenu ce projet entre le moment où on le signe et le moment où il sort. Un truc trop hybride qui, à mon avis, peine à trouver sa place en librairie.
    Pour autant je reste ravi d'avoir bossé avec Laurent qui, pour mon goût, est un des mecs les plus sous-estimés de ce métier.

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  3. Salut, petites questions innocentes :
    - Qu'est ce que cintiq?
    - Les photos des décors sont intégrées grâce a un outil informatique où le dessinateur les "calques" à la main?
    - J'imagine que l'utilisation de cette méthode des photos doit nécessiter un sacré travail en amont. Dans le sens où chaque planches/cases/actions/angle de vue du livre doit être déjà clair dans l'esprit, un peu comme un storyboard.
    Il m'est bien sur évident que cette anticipation vaut également avec une méthode "traditionnelle" mais cela me semble plus poussé avec cette approche.
    - Et qui prend ces photos? le dessinateur ?

    Questions innocentes mais entrée super intéressante!

    Et au passage félicitations Phil pour ce beau succès sur Ulule et très content d'avoir participer à ce que tu appelles un beau cadeau d'anniversaire (et tu sais tout l’intérêt que je porte à ces financements participatifs pour en avoir déjà parlé sur ce blog).

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  4. Merci Michael
    La Cintiq est une tablette graphique, mais pour le reste je laisse bien sur Mister B te répondre

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  5. Michael,
    Les décors sont des photos, pour l' essentiel récupérées sur le net et décalquées oui c'est bien le principe, avec j'espère une interprétation suffisante pour que ma vision s'impose en bout de chaine.
    La Bande dessinée contemporaine qui fait peu de part à l' action mais joue sur l' expression de sentiments intimes, si de plus elle fait cela dans le cadre du dessin réaliste, est surement une des formes les plus complexes de notre art.
    L'auteur doit y bruler son ego, déposer le plus possible l' idée d'un style fort, reconnaissable au premier coup d' œil, avec un gros travail en amont.
    Alors pourquoi faire ça ?
    Généralement c' est parce qu'on estime que les histoires méritent d' être portées, avec comme crédo, le choix de la lisibilité avant celui du style, le choix de l' immersion dans la lecture et dans la séquence avant celui de l'image.
    Mais illustrer un putain de scénar avec que du fun et de la jubilation à l' intérieur, qui ferait la part belle au style, ça me botterait, hein ...
    C'est juste que je ne l' ai pas vraiment encore rencontré (ni trop sollicité, faut se l' avouer).

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  6. Quel boulot !
    Je souligne la grande intégrité de ta démarche, Franck, car tu montres que nous utilisons beaucoup de références photos (prises par nous mêmes, ou sur le net), mais que peu montrent, aussi très probablement par peur d'être accusé de "tricher".

    On ne crée pas à partir de rien. Surtout quand on part dans une veine réaliste, il faut que le monde, les villes, les véhicules sonnent VRAI !

    La nécessité de produire pour être rentable (vivre de notre métier, en 2020 !), implique de trouver des solutions qui ne sacrifient pas notre regard (choisir un angle, un axe), et utilise les nouveaux outils (encrage numérique, documentation sur internet, etc.

    Nous aimons tous l'idée que les dessinateurs se baladent sur les toits de New-York pour constituer leur doc, ou comme Eisner, dessinent tout de tête grâce à un vécu de décennies et un style plus "cartoon".

    Donc, à tous ces titres là, je salue bien bas Franck, et Laurent Gnoni.

    D'ailleurs, sur ce dernier, j'ai beaucoup aimé son "Je suis un autre" (titre qui dit aussi la pluralité graphique !) avec Rodolphe, et à mon avis passé bien trop innaperçu :

    https://www.planetebd.com/bd/soleil/je-suis-un-autre/-/35052.html

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  7. Merci pour ces précisions,
    du coup je me rend compte que j'ai souvent cette idée préconçue que le dessinateur impose un style, sa patte, ses envies et que la collaboration avec le scénariste se fait pour cela alors qu'à égale mesure, la collaboration peut effectivement se porter sur la capacité du dessinateur à s'effacer, à faire abnégation de ses envies, et à adapter son style personnel au service du récit. Un vrai travail de traducteur/interprète.
    Et pour faire un parallèle, tout comme l'encreur se doit de respecter le dessin originel (tout en y apportant une certaine interprétation mesurée), il m'était moins évident que le dessinateur devait faire de même avec le récit en adaptant son style ou ses envies.
    Ça me parait évident maintenant mais les évidences ne sautent pas forcement aux yeux.

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  8. Tout le monde ne fait pas ça, Michael.

    On garde toujours sa personnalité, mais on peut choisir de rentrer dans un "style", le temps d'un projet, comme un comédien rentre dans un costume.

    Certains (à la Lucchini ou Depardieu) cannibalisent leur personnage pour y substituer leur corps (on dira alors : "Depardieu fait du Depardieu"). D'autres, à la Actor's Studio, vont se rendre méconnaissable pour laisser leur corps au personnage (De Niro, Christian Bale...).

    Pareil pour les dessinateurs.

    Franck ?
    Ça t'inspire ?

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  9. Laurent.
    Quand je bosse seul, je préfère ne pas décalquer les décors et voitures même si ça m' arrive parfois pour les décors. J' aime dessiner les voitures et j' ai des petites voitures jouet qui me servent de modèle, Laurent Sieurac l'a noté, je ne sais plus où, il s'en souvient peut-être. Mais oui tu as raison faut faire avec la paupérisation de ce métier et aller "vite" devient une nécessité.
    Michel pour faire pompeux, je citerai Johaness Itten dans "L' art de la couleur".
    En substance :
    Il y a trois types d' artistes.
    -Les épigones qui n'ont pas de forme interne propre et utilisent les formes internes d' autres artistes.
    -Les originaux, qui ont une forme interne propre et passent tout au crible de cette forme interne.
    -Les universels qui ont une forme interne propre mais qui la laissent se modifier au contact du sujet.
    Les épigones sont les moins intéressants mais il y en a de non négligeables.
    Suivant les périodes la côte va soit aux universels, soit aux originaux.
    -En ce moment et depuis un moment ce sont les originaux qu'on met en avant (pauvre de moi).
    (Phil, pour finir ici une conversation commencée ailleurs : "Original JRjr, universel, Garcia Lopez)

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  10. "Original : JRjr
    Universel : Garcia Lopez"

    Si je suis ta lecture, le problème pour JRjr, c'est qu'il travaille dans une industrie (les comics mainstream) ou les épigones sont légions, et les universels sont les meilleurs, mais les originaux ne sont pas toujours appréciés à leur juste mesure.

    Chez nous, en revanche, en effet, c'est l'inverse :

    1 - Originaux (artistes)
    2 - universels (artisans - parfois de génie)
    3 - épigones (les ouvriers - parfois Stakhanov

    Théorie intéressante.

    Évidemment, on est rarement 100% de l'un ou l'autre. Un bon mélange des 1 et 2 serait mon idéal.

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  11. Elle est TRES bien cette entrée du jour moi j'dis :)

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  12. Laurent, tu as bien raison, c' est une catégorisation qui comme toutes les catégorisations tente d' expliquer des grandes tendances mais au détriment de la subtilité.
    On est rarement à 100 % dans un camp.
    Kirby est peut- être une forme d' original ultime, passé ses 50 ans et Foster l' universel type et encore...
    Tu as, selon moi, encore raison quand tu dis que les originaux tirent mieux leur épingle du jeu outre-atlantique car l' industrie en tout cas du mainstream, y est très normative, alors que chez nous il est plus "simple" d' être original.

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  13. Et l'effet indésirable de ces "originaux" seraient de se faire enfermer dans cette case...on attend de kirby du kirby, ou de Mignola du Mignola, etc...ce qui,j'imagine, peut aussi engendrer une forme de frustration.

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  14. et comme je pense,perso, que bien des dessinateurs sont borderline, au sens "dans une case" mais très près d'une autre, voire entre deux, ça se complique

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  15. Les pièges sont multiples pour tout le monde. la lassitude du public c' est quelque chose que pend au nez de tous les artistes. Je crois que pour l' essentiel on fait ce qu'on peut comme on peut.
    Ce fut le cas même pour Kirby qui a longtemps fait ce que lui demandaient les éditeurs, Stan Lee en tête. Des récits d' anticipation, de l' horreur, du fantastique du super héros. Il a suivi le plus souvent un chemin que d' autres traçaient pour lui. Puis un jour il était le KING. Mais bon, c' est surement un peu malgré lui en termes de stratégies en tout cas.

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  16. Sinon, dans la dernière case de la page 14,je me demande bien pourquoi j'ai changé l'attitude. Celle proposée par Laurent était bien mieux.

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  17. Tssss.
    J'ai relu toute la scène. En fait à ce moment-là les mecs cherchent l' enfant mais ne l' ont pas encore trouvée. La pose faite par Laurent me donnait l'impression que le mec était à l' arrêt comme s'il avait vu un truc (l'enfant ou autre chose). La mienne me semblait donc plus représentative du fait qu'il cherche plutôt qu'il est en train d' apercevoir quelque chose. A vrai dire une fois sorti de la scène, du point de vue du lecteur je ne suis pas sûr que ça change grand chose.

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  18. Oui il semble assez clairement avoir repéré un truc dans le rough, mais comme il reste en mouvement l'intention est proche

    et on dit que je pinaille!!!

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  19. Cette entrée a été effectivement passionnante.
    Les commentaires de Franck et Laurent sont d'un rare intelligence.

    Faudrait que tu fasses en sorte de ne pas laisser perdre ça : un petit recueil regroupant les meilleurs commentaires de ton blog, et ils sont nombreux, serait vraiment génial.

    Un peu à la manière des formidables ouvrages de Numa Sadoul.

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  20. ah ben oui tiens, je vais faire un livre avec les commentaires :)
    Non mais faut juste venir ici, tous les jours, et prier que blogger ne ferme pas avant qu'on ne soient tous retraités

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