lundi 23 novembre 2015

Romita père. Du blanc au noir

 Je ne suis pas le plus grand fan de John Romita. Je reconnais au père de mon dessinateur de comics mainstream favori d'indéniables qualités et une importance considérable en ce monde des illustrés de super héros, mais très souvent son dessin ne m'a pas attiré
Je lui préférais,de loin, Ditko sur Spidey, Kirby sur Captain America...et son passage sur les Romance comics lui a donné cette douceur de trait qui ne me parle que peu (mais qui a merveilleusement adouci Gil Kane)
La page ci dessus est presque une caricature de ce que l'on attend de voir quand on cite Spidey et Romita (beau gosse, belle nana, action lente mais belle mise en scène, image iconique...)
J'ai trouvé une page crayonnée. Nous sommes plutôt à  ses débuts sur le tisseur  donc très poussé au niveau de ce trait de crayon (et qu'est ce que c'est que cette tête encrée par un amateur dirait on?!)
 Quand je note "du blanc au noir" dans le titre de cette entrée c'est parce que je constate que selon l'encreur, et la densité de l'encrage, le résultat change radicalement, et me plait de plus en plus
L'encrage de Mickey Demeo (aka Mike Esposito) est très fin. Trop à mon goût
 Idem sur ce bouffon
 Là je suis dubitatif. Les visages de Matt et de la belle blonde (Karen?) sont du pur Romita, mais les toiles du costumes de Spidey sont plus serrées que ce que fait le dessinateur d'habitude, plus dans un esprit Ditko pour le coup.
 Ah...plus de noir?! Un encrage plus épais qui va mieux convenir? C'est l'effet Jim Mooney
 Voici enfin Romita à l'encrage de son propre dessin. Il peut montrer ce qui ne saute pas aux yeux sous l'encrage d'autres artistes : son admiration pour Milton Caniff. Une scène statique et pourtant l'ambiance/atmosphère est là
 Encore plus flagrant sur du séquentiel. Il a visiblement assimilé les leçons de Kirby sur le dynamisme (il a dessiné pas mal d'épisodes sur des découpages du King qui l'ont poussé à aller contre son naturel plus..."contemplatif") Des masses de noir, du cutter sur les zones encrées...que ce soit sur Spidey ou sur Cap...miam
 
 
 Sur celle ci on retrouve son style et son élégance mais un encrage plus vif et spontané (et donc qui me plait) pourrait presque rappeler brièvement les déformations de Frank Robbins (l'expression du Faucon en case 1)
 Il n'est pas allé souvent aussi loin dans son encrage, revenant habituellement à quelque chose de plus léché, de plus propre; tellement reconnaissable qu'il cannibalise le dessin des autres. Flagrant sur ce dessin semblant de sa main et en fait crayonné par Ron Frenz (en mode caméléon certes, mais ce fut la même chose sur les crayonnés de son fiston)

7 commentaires:

  1. Belle entrée, et pour cause ; contrairement à toi John Romita a été, et est toujours l'un de mes dessinateurs favoris.
    Et en ce qui concerne Ditko ou Kirby, que tu cites je n'ai "appris" à les apprécier que plus tard, alors que Romita, le "coup de foudre" a été immédiat.
    En tout cas, tu présentes des pages toujours aussi instructives (si je puis dire : en fait ce sont tes commentaires qui le sont, instructifs).

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  2. Génial, Phil !

    Tu as rarement été aussi raccord entre la vocation de ton blog (le rôle de l'encrage dans les comics), et tes marottes (Spidey), que dans ton sujet du jour !

    Dans sa masterclass à St Malo, Franck Biancarelli a évoqué ça d'une autre manière : "Choisir entre le jour et la nuit" : Est-ce que ta planche va être dominée par le noir (plus de 50% de la planche, avec des applats, du trait "graissé", etc.), ou à l'inverse, le jour (peu de zones noires).

    En se posant la question : "Qu'est-ce qui correspond le mieux à l'histoire, au perso (à la série, donc), au moment de la séquence, on choisit, non comme un effet, mais comme un parti-pris, de donner sciemment une atmosphère à notre histoire.


    Et là, je pense à Miller sur Daredevil... ou à l'affiche de l'Exorciste : C'est du noir que tout existe, tout naît, et se met à exister.

    Tu nous fais la même chose avec Silvestri/Green ?

    ;^)





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  3. Merci les gars
    je suis sur que Franck a raison bien sur
    Ce que j'aime dans les comics d'avant, en gros, les années 90, est que la deadline primait sur le contenu, que l'urgence de réalisation était évidente; Du coup les mauvais étaient très mauvais, et le bon grain surnageait avec classe. c'est à dire que les grands fonctionnaient à l’instinct (Buscema, Kirby, Romita...) et ce que Franck a théorisé (ce que tu cites et bien d'autres choses sur le découpage...) les types le faisaient sans forcément intellectualiser, d'instinct
    Et des encreurs pouvaient aller à contre sens de cet instinct (ca faire partir ton dessin du noir quand c'est Coletta qui encre)

    Silvestri/Green, Sur l'approche du noir et blanc? C'est tentant

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  4. Tu as raison : C'est surtout de l'instinct, du mimétisme. Tu l'as dit, Romita aime Caniff. Est-ce l'ambiance des dessins de Caniff (et consorts) qui lui plaît, et qu'il "recopie" "sans réflexion", pour donner une sorte de direction artistique cousine sur Spider-Man, ou bien est-ce quelque chose d'intellectualisé, formalisé de sa part ?

    Ma réponse : Les deux, mon général !

    Tu as raison : on pratique, on abat des planches, et les influences ressortent comme par magie. Mais une fois que c'est dit, théorisé par quelqu'un (Franck B, qui lui-même le tient de Rossi, mes discussions sur l'encrage chez Kirby avec Jean Depelley de ce week-end, ou toi ce matin), ça devient ENCORE plus évident, et ça pousse à creuser plus loin.

    Tes images du jour, tu devrais les intégrer dans tes images en vue d'une prochaine conférence : Elles sont très parlantes, car elles partent d'un même dessinateur. Elles isolent donc encore mieux l'apport et le rôle de chaque encreur !

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  5. Oui mon général c'est d'autant plus les 2 pour Romita qu'il a toujours intellectualisé, malgré la pression et les deadlines et que faire "plus noir à la Caniff" a probablement toujours été un souhait de sa part

    Parler Kirby avec J Dupelley doit revenir, en temps de parole, à parler Romita jr avec moi

    Pour les images pas de soucis, il y a le label Romita en tag et ca renvoie à moins d'entrées que pour le fiston donc facile à retrouver :-)

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  6. Comme Artemus, j'ai une vraie et vieille affection pour Romita Sr.
    En fait, il me renvoie à une espèce d'école que j'apprécie, celle des dessinateurs élégants, qui englobe aussi bien un génie comme Toth que le trop rare et donc méconnu Paul Smith : un trait simple mais expressif, qui flatte toujours la bande dessinée et le lecteur. Dans cette catégorie, tout est beau, classe, c'est de la haute couture.

    Lorsqu'il est encré par Jim Mooney, le résultat est vraiment sensationnel : on voit qu'il y a une correspondance parfaite entre le dessinateur et son "finisseur", son "embellisseur". Et en même temps, c'est un dessin suffisamment solide, accompli, achevé, pour ne pas être altéré, abîmé par un encrage plus soutenu, plus sombre en l'occurrence.

    C'est un dessin qui témoigne vraiment d'une époque, presque d'une philosophie de la BD, des comics. J'ai d'ailleurs eu ce sentiment récemment en relisant quelques albums de "Blueberry" de Charlier et Giraud, quand ce dernier s'affranchissait de l'influence de Jijé (ce qui lui a, tout compte fait, pris du temps) : la qualité des planches, le niveau de finitions, l'application du trait... Tout ça traduisait une implication, un investissement qui restent très impressionnants alors même que, vu les cadences de travail de l'époque, il n'y avait guère de place pour intellectualiser le graphisme. Ce mélange d'instinct génial et de rigueur me bluffe.

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  7. et on en revient également à ce que l'on a découvert, et à quel âge. Pour moi ce fut une claque de lire les grands formats de "l'araignée" par Ditko, tandis que que ceux de Romita, découverts pourtant très peu de temps après, me laissaient plus indifférent, trop dans le beau pas assez dans l'efficace à mes yeux
    Avec le recul je partage un peu ce que tu dis, tout en gardant une nette préférence pour Ditko.

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