J'ai lu cette BD récemment et me suis posé la question du support. Philippe Collin, journaliste que j'apprécie par ailleurs, a choisi de raconter cette histoire, personnelle, en images, plutôt qu'en livre, film ou docu...Très bien. Ce récit pouvait prendre d'autres formes, mais celle ci est légitime. Elle fonctionne parce que ce n'est pas un travail de retranscription littérale de mots, en images. Je pense que le mérite en revient en grande partie à Sébastien Goethals qui connait son support et l'utilise bien.
Je n'ai pas été convaincu par les scènes contemporaines, que je trouve en dessous graphiquement, mais elles sont peu nombreuses
Le livre est, dans sa très grande majorité, composé de planches qui jouent autant des silences que des textes, avec un travail sur la couleur, minimaliste, terriblement efficace
Un livre qui apporte beaucoup sur le fond et dont la forme ne déçoit pas.
Ce qui m'amène à un sujet plus vaste : l'adaptation de roman
Je ne suis pas fan, sur le principe. Roman et BD n'utilisent pas les mêmes codes (ou ne devraient pas)
Des adaptations de films en BD c'est encore pire, et je n'en apprécie quasi aucune .
Des adaptations de romans j'en ai lu peu, et j'ai toujours peur, même sans avoir lu le livre, de sentir le poids des mots prendre le dessus sur la spécificité de notre art de prédilection
Voici mon adaptation préférée
L'an dernier j'ai dis tout le bien que je pensais de son adaptation, que je croyais sans suite, de Mon Traitre, de Chalandon.
C'est
ici et je maintiens tous mes propos à l'occasion de ce 2nd volume.
Découvrir l'histoire par les yeux du Traitre est un régal et répond à une interrogation évidente dès la fermeture du livre premier : Pourquoi?
Je ne dirai rien du récit bien sur mais il forme un tout avec le volume 1, indissociable et aussi prenant, aussi fort
Pierre Alary est à l'évidence à des années lumière de sa zone de confort mais c'est une partie de l’intérêt de la chose : le voir se sortir aussi bien de ses gros plans, de ses ambiances intimistes, pesantes, qu'il le fait dans les scènes d’actions de ses autres projets
Pierre sait aussi être une escroc de génie( ceci dit en toute affection bien sur) Car qui connait un minimum son travail voit que sur des pages/cases/séquences il est allé vite. Pas dans la narration, mais dans la finition. Là où d'autres se feraient épingler, lui s'en sort en harmonisant ces séquences à la couleur et on peut n'y voir que du feu. Malin!
En tout cas ces deux livres sont à lire
Je n'ai pas lu les livres de Sorj Chalandon
J'avais lu, et adoré, le roman de Fabcaro, Figurec
Quelle déception ce fut que de lire l'adaptation BD
Non que De Metter soit mauvais mais son style m'a renvoyé si loin de mon impression de lecture du livre, avec un choix de personnages si décalé pour moi, que je n'ai rien aimé
Du coup j'ai préféré ne pas lire son autre adaptation, d'un roman que j'avais également beaucoup aimé
Cette grosse déception a fait que j'ai même choisi de ne pas lire des romans que j'aime énormément, dans leur version illustrée (ce qui est pourtant moins "risqué" qu'une adaptation)
Ainsi j'ai beau aimer beaucoup Tardi je n'ai pas lu sa version de l'un de mes livres cultes
Pareil pour cette adaptation bd d'un livre coup de poing de ma bibliothèque : Le Feu d'Henri Barbusse (transposé en bd dans le camp allemand)
La peur de la déception
Des BD adaptées de romans, que je n 'ai pas lu, dont j'apprécie le rendu, il y en a peu
Il faut que le dessinateur ait un style si marqué qu'il me fait passer au dessus de textes longs, comme ici
ou que le style de dessin, personnel, s'affranchisse du texte en jouant sur les ambiances graphiques, comme là
Il peut aussi y avoir des adaptations qui me parlent juste parce que le style du dessinateur colle à merveille au ton du livre, ou du genre
Côté américain il y a UNE adaptation qui m'a ravi
Que Mazzucchelli soit un génie aide un peu.
Il passe sans cesse d’une adaptation très formelle, classique, à des séquences elliptiques ou symboliques
Le roman ne pèse jamais sur la BD. Cette dernière a ses codes, son approche, dans le style, dans le ton, du romancier d'origine
Brillant!
Enfin, je reste persuadé qu'adapter un roman est assez vain, casse gueule, sauf contre exemples évoqués plus haut. La densité d'un livre oblige à de coupes, à des des choix de scènes à garder, ou pas...et ceci fait que je pense plus cohérent d'adapter une nouvelle qu'une gros livre, tout en gardant une place prépondérante au dessin bien sur
Le bon exemple?
Lui
Pour conclure sur celui qui fut le prétexte à cette longue entrée : Pierre Alary : Il a dessiné des histoires qui ne sont pas dans mon univers (Chez Soleil) des intrigues solides et classiques, d'action, qui pourraient être aussi des films (Silas Corey), du barbare à sa sauce (Conan), adapté Moby Dick sous forme de story board poussé (le retour de l'escroc de génie :)...
Tout ceci avec un scénariste à ses côté
Pour ces 2 albums liés à Chalandon, il se base sur des romans, mais il adapte seul.
Maintenant,égoïstement, j'aimerais le voir se lancer sur un projet complètement seul
et sans avoir pour cela à le menacer: