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vendredi 19 janvier 2018

DDFMKJ

Attaquer une année sans Miller/ Janson!? Allons donc!
Sur un forum us j'ai vu passer des commentaires sur cette période bénie de DD, dessinée par Frank Miller et encrée par Klaus Janson
Un gars disait avoir appris il y a des années, par un zine us Back Issue, que sur la fin du run Janson dessinait et encrait sur des roughs de Miller. Déjà je fus amusé car c'est moi qui avait écrit cet article en 2006, puis un peu agacé car le type relativisait en disant que malgré tout il lui semblait que ce n'était pas le cas de l'épisode avec Elektra gravissant une montagne. Il déduisait du fait que, sur la dernière page, les deux signatures étant identiques, Miller avait forcément poussé son dessin, et Janson "uniquement" encré.
 Erreur. Miller a signé au même niveau que son "encreur" uniquement pour un souci d'égo, mais c'est bien sur des rough que Janson œuvrait sur cet épisode aussi
J'ai la flemme de rechercher les repro et de les scanner mais je vous mets une photo d'une page de mon vieux mag DD qui prouve la chose. Du découpage, certes un peu poussé peut être, mais du découpage quand même

10 commentaires:

Nikoman a dit…

On peut effectivement pas appelé cela du crayonné. La marge de manoeuvre laissée à l'encreur est bien trop importante. C'est plus du story-board comme un certain Olivier le pratiquait de manière assez poussée pour d'autres dessinateurs.

Philippe Cordier a dit…

oui c'est ça, un découpage (très) indicatif
Ce qui est dommage est que peu de lecteurs savent comment se passait ce genre de collaboration; Déjà que peu connaissent le rôle d'un encreur, alors s'il faut en plus nuancer en parlant de rough/découpages, à comparer avec du crayonné fini...
C'est plutôt frustrant, je pense, pour Janson, à l'époque, que la vaste majorité des lecteurs prenait, au mieux, pour celui qui repasse à l'encre sur le trait de la mega star Miller (mega star ne souhaitant pas forcément non plus trop communiquer sur un rôle moins important sur la fin du run que sur le début)

franck a dit…

"Ce qui est dommage est que peu de lecteurs savent comment se passait ce genre de collaboration; Déjà que peu connaissent le rôle d'un encreur, alors s'il faut en plus nuancer en parlant de rough/découpages, à comparer avec du crayonné fini..."

J'avoue que pour les néophytes comme moi, même si je prends toujours beaucoup de plaisir à venir ici, l'encrage reste un domaine très nébuleux... Je ne sais pas si c'est faisable ou pas dans l'une de tes prochaines entrées, mais moi, un topo "l'encrage et l'encreur pour les nuls", je serais plutôt pour ! ;-) Je pense que je verrais autrement tous les aspects techniques qui me dépassent parfois un peu, du fait de mon inculture dans le domaine.

Philippe Cordier a dit…

tu veux une entrée de 15 pages, :)
Je voulais faire une sorte de condensé de mon ancienne conf sur l’encrage, mais se sera long, à faire et à lire
à l'occas oui ca peut se faire en tout cas

quoi que je réalise en tapant ça que je serai probablement assez prochainement sur le site de Bruce Lit, interviewé et j'y cause un peu du BAba de l'encrage, ce sera déjà ça

franck a dit…

Faut sortir un bouquin dédié ;-) D'ailleurs, vu tes connaissances sur le sujet, ça n'a rien de farfelu... Même principe que pour le storyteller de JR JR, tu prends la température, vois qui ça intéresse et zou !
Après, tu as peut-être une vie aussi ;-)

Philippe Cordier a dit…

zou?!!! :) le temps passé pour "juste" compiler les pages de JRjr et pondre moins de 10 pages de texte, et tu veux que je fasse la même chose avec analyse, exemples...!!!!!! :)




mais pourquoi pas, un jour

RDB a dit…

Je pense que l'ignorance, ou au moins la méconnaissance, au sujet de l'encrage chez les lecteurs (aussi bien européens qu'américains) vient de deux raisons :

- 1/ la tradition franco-belge (dans laquelle la majorité des lecteurs français a grandi) a institué le dessinateur comme celui qui produit des images, qui met en images le script, et donc qui en assure et les crayonnés et l'encrage (voire la colorisation). Du coup, lorsqu'on lit les crédits des comics et qu'on remarque le poste d'encreur, on l'assimile à un "repasseur", le gars qui met le dessin au propre, sans vraie plus-value, une sorte d'assistant comme pourrait l'être un mec qui effacerait les traits au crayon ensuite. Un rôle qui ne mérite guère d'estime donc.

- 2/ si on considère la confection d'un comic-book, on distingue une hiérarchie : le scénariste, le dessinateur et l'encreur (le coloriste, le lettreur sont encore moins considérés). Faute d'infos précises sur la quantité de travail effective de l'encreur, on est généralement enclin à penser qu'il est celui qui bosse le moins des trois, c'est le dernier maillon de la chaîne. Ce doute est accentué quand on a affaire à un artiste longtemps attaché à un encreur car alors on a vraiment le sentiment que l'encreur est le subalterne, le finisseur (limite celui qui éteint la lumière en partant).

Avec des artistes en vue aujourd'hui qui se remettent en s'encrer (Samnee, Smallwood, Janin, Gerads, Rude...), le lecteur est renforcé dans cette opinion que l'encreur professionnel est celui qu'on appelle pour dépanner, tenir les délais, et pas pour apporter son savoir-faire, ajouter son style au dessin. C'est cruel, injuste, mais si on est lucide, je crois que ça fonctionne comme ça dans la tête de beaucoup de fans.

Tu cites cette anecdote et je comprends ton agacement. Je suis tout aussi irrité par l'inculture dans laquelle se complaisent beaucoup de lecteurs (qui se disent pourtant passionnés par les coulisses des BD) quand ils se piquent de critiquer ce qu'ils lisent. Passe encore sur la manière d'analyser les comics (dans un français d'un niveau affligeant, avec un orthographe qui pique les yeux), mais il y a une vraie paresse lorsqu'il s'agit d'expliquer ce qui les touche dans le dessin (et donc l'encrage). A part des banalités sur la beauté du trait, ou l'aspect spectaculaire de certaines images, c'est ahurissant : les fans ne connaissent rien au découpage, aux valeurs de plans, ne savent pas expliquer pourquoi tel angle de vue provoque telle émotion, ne font pas attention à l'expressivité des personnages, au soin apporté aux décors, etc.

Si c'est soigné, ça semble aller de soi. Mais en vérité, ils semblent souvent s'en ficher : ils peuvent disserter pendant des heures sur l'histoire, la continuité, mais sont incapables d'exprimer ce que le graphisme traduit et suscite chez eux. Ils sont souvent disposés à lire un truc mochement dessiné mais bien écrit, ce qui résume bien le peu d'importance accordé au dessin, à l'encrage, à la colorisation... Alors que le dessin prolonge l'écrit, ce n'est pas de l'illustration pour un texte.

Bref, ça m'énerve, ça me déprime, mais en même temps, je me résigne de plus en plus face à ça. J'admire la persévérance à éduquer tes lecteurs sur l'encrage, de mon côté j'insiste dans mes critiques pour essayer d'accorder autant de place à la qualité du scénario qu'à celle du dessin (et ses astuces techniques pour générer des émotions). Mais subsiste cette sensation que la BD n'est qu'à moitié lue : elle est plutôt consommée.

Philippe Cordier a dit…

je suis d'accord, avec plus de laisser aller (? tolérance?) peut être, me disant que la méconnaissance n'est pas bien grave et que le principal est que le lecteur prenne du plaisir
Mais je te rejoins dès lors que la personne se pique de critiquer, parfois avec véhémence, sans connaitre, et là je laisse moins passer (ce qui fut le cas à la lecture du forum, que j'ai oublié, qui a motivé mon entrée du jour)

Laurent Lefeuvre a dit…


DDFMKJ : Je suis sûr, cher Phil, que tu es assez mordu pour que ce soit le genre de mots de passe que tu utilises sur internet !

Je suis globalement d'accord avec ce qui est dit plus haut. Surtout ce que dit RDB sur la manière actuelle de lire un comic-book (et une histoire). Il me revient ces courriers de lecteurs de Strange. Je sais, je tourne en boucle, mais quand même : le jeune âge des gens qui écrivaient, la maturité de leurs propos.

Je crois que les lire et les relire avec grand intérêt a été très formateur "intellectuellement" (si j'ose dire).

Pour en revenir au sujet plus précis du post. Tout de même : les crayonnés de Miller donnent tout ce qu'il faut ! Comme il a pris le meilleur des assistants, le plus apte à comprendre, prolonger et enrichir ce qu'il veut dire, pourquoi mâcher plus le boulot, et perdre plus de temps à "rendre au propre" soi-même, si tout est explicité ?

L'exemple de l'artiste Calder (celui qui a créé ces fameux mobiles caricaturés dans un film des Inconnus 'TOuche pas, c'est un mobile de Koundévitch !").

Eh bien ce bonhomme vendait ses œuvres sur plan ! Il expliquait à celui qui achetait une œuvre, parfois même par téléphone, comment il pouvait les assembler lui-même, comme un plan Ikéa. Eh bien cela ne me choque pas du tout, car la création n'est pas ici dans le geste lui-même, mais dans son anticipation. Et même s'il y a une une appropriation de ce geste par celui qui va l'exécuter, ça n'a pas plus de sens de lui en attribuer la paternité, que de donner au maçon celui de réaliser un bâtiment pensé (par exemple) par Jean Nouvel sous couvert que c'est bien ce maçon qui en a posé les briques.

Parce que dans un cas (Calder, Jean Nouvel...) comme dans l'autre (Miller), quand même : TOUT est là !

Sur Daredevil, Klaus Janson joue le rôle d'un (super) directeur de la photographie au cinéma : Il écoute la volonté du réalisateur, donne la teinte aux émotions, le grain, soigne les détails.

Mais n'enlevons pas à Miller cette vision puissante, comme un roc. La force d'affirmation du général Miller, et le secondement de son bras-droit pour appliquer sa stratégie.

Et ce n'est pas dénigrer Klaus Janson que de dire ça (loin de moi l'idée).

Un général sans relais vers les troupes (nous !)... ça ne pisse pas loin !

Philippe Cordier a dit…

Intéressant, et je partage en grande partie, mais je relativiserais, par esprit de quasi contradiction : sur certaines pages (pas celles vues ici) on est loin du plan confié au maçon, on est dans la description par télephone, de Stan Lee, à Kirby, disant "là coco tu me fais quelques pages où La cHose dérouille Fatalis"; Pas plus. Et on peut alors attribuer 90% de la paternité, voire plus, au second
Miller a lâché du lest sur la fin du run, en partie par obligation et manque de temps, et en partie seulement parce qu'il savait pouvoir faire confiance à son "encreur"; Il gardait un pincement d'ego qui, à mon avis, entrainait une petite angoisse à l'idée que janson se voit autant reconnu que lui dans la finion (d'où,partiellement, l'ignorance du rôle de chacun pendant des années)
Reste en effet la vision indéniable du grand Miller