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mercredi 17 janvier 2018

Mon Traître!!!

 Je n'ai plus des tas de coups de cœur en BD actuelles. L'âge peut être, une forme d'exigence et d'évolution de goût, le fait que je lise plus de BD anciennes que nouvelles bien sur, que je cherche à redécouvrir du patrimoine...Bref qu'importe. 
L'une de mes BD préférées de l'an dernier était la première entièrement écrite et dessinée par l'auteur, tout en étant une adaptation: Nam-Bok.
Et bien cette année débute par un énorme coup de cœur, qui est la première BD entièrement écrite et dessinée par l'auteur, tout en étant... une adaptation!
Je n'ai pas lu le livre dont il est l'adaptation, par le (grand) journaliste Sorj Chalandon
 Je suis nul en pitch et en scénario, d'autres sont bien meilleurs que moi pour analyser des histoires, comme chez Bruce
En gros, Chalandon a changé les noms et des âges mais il parle de son histoire à lui, dans le cadre de celle de l'Irlande du Nord et de son conflit avec le gouvernement britannique. Il fut (très) ami avec un membre de l'IRA, qui s'avère avoir été un traitre pendant plus de 20 ans
Je ne peux pas dire qu'on referme le livre en sachant bien plus de choses sur le conflit car ce n'est pas le propos et parce qu'il n'y a aucun discours dogmatique, ou de prêche. Nous sommes positionnés du côté des combattants Irlandais mais sans manichéisme (cf une très belle courte scène avec la mort d'un soldat UK)
Le propos est l'humain. C'est une histoire d'hommes et de femmes, d'honneur, d'amitié, de fraternité, de vie, de mort..Transposer cette histoire ailleurs me parait tout à fait envisageable tant l'intrigue accorde surtout de l'importance à ces thèmes humains.
Qu'une adaptation soit une béquille, ou pas, pour un auteur qui se lance en solo, je ne sais pas, mais en tout cas comme Thierry Martin l'avait fait pour Jack London on voit que Pierre Alary a viscéralement intégré le texte de Chalandon
Mais il n'y a aucune fidélité sclérosante. Adapter c'est trahir, au moins un peu, alors on ressent des probables libertés, des coupes éventuelles. Des adaptations quoi! Nécessaires
Pas mal de voix off, qui nous rapprochent du ton d'un roman, mais aussi des dialogues bien sentis.
Pierre est l'un des auteurs dont j'admire le dessin depuis pas mal d'années. Il a été meilleur en dessin pur, ailleurs (tiens, c'est ce que je disais sur Nam-Bok, je radote ou c'est un constat?) C'est une bonne chose car la frime aurait désservie le propos. Silas Corey en mettait davantage plein les yeux mais le scénar de Nury l'exigeait, ou du moins le permettait. Dans ce gros pavé là ,le trait sert le texte, le roman. J'ai rarement ressenti un auteur se mettre tant au service d'un texte.
'tention le dessin est super bon. Il est juste moins "épatant", sans frime.
Un exemple de page avec sa mise en couleur si importante et qui, elle aussi, ne fait que servir l'ambiance et l’atmosphère voulue
 Pierre fait partie des excellent dessinateurs qui ont intégré le numérique, et bluffe une bonne partie des lecteurs (quoi, y a pas de pages avec l'encrage fait à la main!?!)
Il a eu la gentillesse de me passer une page et ses différentes étapes, du rough au dessin plus poussé, puis finalisé et enfin mis en couleur
On sent qu'il a potassé un sacré moment avec de poser le stylet sur la tablette, tant le rough initial est déjà là avec tout ce qu'aura la page finie.



 Soin du découpage, des cadrages, des plans, des impressions laissées...
Très gros coup de cœur donc, et je ne peux que donner mon ressenti perso : il est TRES rare qu'une fois une BD finie j'y pense encore (surtout que souvent, lisant tard le soir, j'oublie même la fin!) Et bien cette histoire là est restée un moment dans le noir, à tourner dans ma tête.
Une petite histoire dans la grande.
Un petit bout d'humanité qui parle à tous les lecteurs

Pour conclure, la couv, très bien choisie, en deux versions non finies

4 commentaires:

franck a dit…

Je suis un peu comme toi... Entre mes intégrales de séries plus anciennes et mes séries en cours, je n'ai que peu de place pour les coups de cœur, les vraies découvertes. Et, même si c'est pas souvent, j'adore quand ça se produit ! Ton enthousiasme fait plaisir à lire et j'irai voir cette BD d'un peu plus près. Merci ;-)

Philippe Cordier a dit…

Merci Franck
Quand on dépasse la BD/produit et qu'un livre fait ressentit au lecteur la passion qu'a visiblement eu un auteur pour son sujet, c'est là que le charme commence à opérer pour moi
Ensuite vient le traitement bien sur et avec Pierre on ne peut guère être déçu
Il est, pour moi, entre le rough poussé et le dessin très fini, souvent, et c'est cet équilibre instable, précaire, qui me plait chez lui
A une autre échelle je ne le trouve pas éloigné de l'approche de Joe Kubert : en donner assez au lecteur pour régaler l’œil, mais pas trop pour ne pas le saturer et pour le laisser finir lui même le dessin. J'aime les équilibristes du dessin

franck a dit…

Point de vue très intéressant, j'aime bien l'idée que le lecteur soit quelque part aussi acteur de sa lecture, y compris vis à vis du dessin. Je n'aurais jamais envisagé les choses sous cet angle (mais faut dire que je n'ai pas le 10e de tes connaissances techniques ou de ta sensibilité dans ce domaine) mais c'est séduisant. Je pense que je découvrirai ma prochaine BD un peu différemment...

Philippe Cordier a dit…

c'est gentil mais c'est très personnel j'imagine
Un dessin qui ne me laisse pas le compléter, au moins un peu, me laisse froid. Si en plus son rendu est lui même froid, technique, c'est la cata (par exemple Schuiten, pour citer un grand artiste qui me laisse à la porte)
C'est pour cela que Eisner et Kubert sont si haut dans mon panthéon (talonnés par Toth...)