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jeudi 30 mars 2023

Moeb'Inside

 


Je suis très longtemps passé complètement à côté de son œuvre, qu'il s'agisse de Giraud, Gir, Moeb ou Moebius

Depuis quelques années je me rattrape un peu, d'abord avec Giraud, puis Moebius

De 2004 à 2010 il a créé au fil de l'eau, sans plan prévu à l'avance, 6 tomes de Inside Moebius, un énorme exercice de style de funambule introspectif

Je n'avais pris que le 1, revendu récemment et me permettant, largement, d'acheter cette intégrale (j'avais zappé la dernière, sur papier bible, il y a quelques années)

Sacré recueil!



C'est assez grandiose

Inclassable, provocateur, introspectif, délirant, fou, simple, ardu, narcissique, allumé, bâclé, fouillé, minutieux, faux, réaliste, impudique, secret...

Génial? Peut être, en tout cas une façon de rentrer dans un esprit qui l'est, génial, ou du moins dans ce que l'auteur (les auteurs) veut bien nous montrer

Il démarre réellement en roue libre, sans filet, sans crayonné, puis au fil des pages on sent l'attention portée de plus en plus au dessin, et au tome 5 il se/nous dit qu'il repasse dessus à la palette graphique et le soin se voit, pour finir en apothéose de pur Moebius, pas du tout spontané, ou faussement spontané

Ce gros accroc au concept de base, le sans filet, est parfaitement cohérent et raccord avec la personnalité que nous suivons avec délice sur des centaines de pages

Si vous ne l'avez pas déjà sous une forme ou une autre, jetez vous sur ce récent double gros volume



mise en abyme dans l'abyme lorsqu'il se dessine se dessinant et nous montrant de vrais crayonnés sur lesquels il travaille alors
Ben Laden est l'un des perso et...ça passe!

Le trait s'affirme



Moeb' délirium n'est jamais loin

Un narcissisme poussé si loin qu'il s'efface presque de lui même


12 commentaires:

L'Anonyme a dit…

Je pense qu'il me manque encore 10 ans d'âge (réel ou mental) pour m'attaquer à ce genre de volume.

J'ai toujours pensé beaucoup de bien de Gir/Giraud/Moebius, mais l'adopter en séquentiel comme des dizaines d'autres créateurs que j'adore, çà, c'est autre chose, et a fortiori pour ce genre de volume.

Franck.Biancarelli a dit…

Sais-tu s'il existe une version NetB abordable ?

Laurent Lefeuvre a dit…

Une de mes grandes claques de lecture.
On y va presque en boudant, et puis on dirait lentement une errance à la "Dead Man" (oui, le Western de Jim Jarmush avec Johnny Depp). Lentement, on s'y perd pour de bon (dans le meilleur sens du terme). On ouvlie qu'on lit, on est là-bas, très loin, dans le Désert B (comprendre "désherbé" - Mœb ayant décidé d'observer son esprit "nettoyé" de l'herbe). Et comme le thème envoûtant de Neil Young berce le film Dead Man, et nous enveloppe de coton, comme Johhny Depp glisse vers la mort enveloppé dans une couverture dans un kayak glissant sur l'eau.

Ce n'est pas un simple "délire".

C'est un artiste éclaté, réconcilié, face au grand Manitou.

Ce livre, c'est son testament.

Jamais je n'aurai vu plus chouette enterrement.

RIP.

Philippe Cordier a dit…

beau ressenti Laurent
J'associerais la musique de Jarmush, ici, à la couleur très maline de Moebius, qui envoute également, faisant passer les pages "bâclées" et ne chargeant pas les pages détaillées
Ce qui me fait dire, Franck, qu'à ma connaissance il n'y a pas de version n et b

Je me suis un peu perdu le temps des quelques pages oniriques/délirantes sur la fin, en mode Moeb, mais c'est mon côté terre à terre, pour le reste j'ai l'impression moi aussi d'avoir assisté à un testament en direct

Vinc a dit…

J'ai aimé Moeb et tous ses acolytes skyzo par dessus tout pendant… très longtemps et puis au détour des années 2000 il s'est fendu d'un texte très désobligeant sur les artistes montant de l'époque (Blain, Trondheim,…). C'était à un moment où il était membre du juri d'Angoulème je crois (désolé, je ne retrouve pas l'info). Il trouvait tout ça très jolie, très bien, mais ce qui en ressortait c'était que c'était trop bavard et que ce n'était qu'une mode… C'est fou pour un artiste de son envergure qui fut le chantre de la modernité fut aussi réac à ce moment là.
Ça m'a bien refroidit je dois dire.
C'est globalement à ce moment là qu'il a commencé son inside Moebius (c'était la mode des blogs BD en ce temps…). Comme quoi, il a du revoir sa façon de penser le monde de la BD de l'époque !
Depuis, la pression est redescendu, j'ai toujours un rayonnage complet de Moeb. Et je dois avouer que ton article me donne sacrément envie de lire tout ça :)
Merci Phil.

Philippe Cordier a dit…

Moi c'est l'inverse donc, je le (re)découvre
Il me semble, ce que j'ai lu (son livre avec Sadoul par exemple) et surtout entendu, dont son ami Christian Rossi qui en parlerait des jours entiers, que c'était probablement l'un des artistes et êtres humains les plus complexes qui soit, ce qui expliquerait des avis tranchés, et revirements d'opinion
Il semblait passionnant à tous les niveaux et toutes les époques

Laurent Lefeuvre a dit…

Amen !

Oui,ce n'est rien de dire qu'il est plein de contradictions.

Un autre "artiste", dont l'admiration que je porte à l'œuvre me donne le carburant pour creuser les "contradictions" (de prime abord en tout cas - par la suite, ça se transforme en "salutaire complexité", tout bonnement) : Clint Eastwood !

franck a dit…

Très content de cette entrée car étant globalement complètement passé à côté de Moebius et ses alias, je ne savais pas quoi attendre de ce coffret que je n'ai pas osé "déblisterisé" chez mon libraire.
Je me laisserai bien tenter du coup...
Laurent, le grand Clint s’attelle à son 40ème... et dernier film en tant que réalisateur ! A presque 93 balais, ce type n'en finit pas de m'épater.

Philippe Cordier a dit…

incroyable!

Sinon je suis fan de biographies, j'en ai lu pas mal
Et d'autobio Mais là ça devient intéressant car par définition le gars dit/écrit/dessine ce qu'il veut donc le flou, le doute est là, tout le temps, quant à la réalité
Longtemps j'ai voulu être sur que ce que je lisais était vrai, et encore aujourd'hui j'aime savoir que ce que je lis est très probablement vrai, ou ressenti comme tel par son auteur
Mais j'ai lu Céline et découvert l'art du "mensonge artistique", ce qui m'ouvre l'esprit
En ce moment je lis les "mémoires" de Roland Topor : le pied! Tout est faux, et ça en devient de l'art
Et bien c'est pareil ici, je me suis laissé embarqué par Moebius, me demandant s'il se racontait vraiment, et au fil des pages je me dis "mais en fait je m'en fous, c'est passionnant quoi qu'il arrive"

L'Anonyme a dit…

"Laurent, le grand Clint s’attelle à son 40ème... et dernier film en tant que réalisateur !"
Je suis déçu, je pensais qu'il deviendrait un nouveau Manoel de Oliveira...

L'Anonyme a dit…

« Cesser de travailler, c'est mourir. Si on m'enlève le cinéma, je meurs ».

Philippe Cordier a dit…

CQFD donc