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dimanche 16 octobre 2022

Qui surveille...


 Watchmen!

Je crois bien que je n'ai jamais fait d'entrée sur ce chef d'oeuvre!!?

Je l'ai lu en vo quand je devais avoir 16 ou 17 ans

Peut être un peu jeune, en tout cas c'était assez ardu, même si je voyais bien l'intelligence de la chose

Puis j'ai relu ce même tp des années plus tard et la brillance d'Alan Moore paraissait encore plus évidente

Mais mon coeur bat pour le "camp d'en face". Ca signifie qu'il y a deux chef d'oeuvre qui se partagent le haut de l'affiche depuis plus de 30 ans, dans le domaine de la déconstruction du super héros : The Dark Knight Returns, et Watchmen, je ne vous apprends rien. Il fut dit et redit que Moore était le cerveau et Miller les tripes. Je suis on ne peut plus d'accord, et mon coeur "bat pour les tripes"'

Urban a sorti très récemment une série de rééditions au format poche

J'ai tenté Watchmen et je ne le regrette pas


La petite taille ne gêne pas trop, Gibbons a un dessin si net, si clair qu'il passe bien à la réduction

Ca m'a permis à la fois de lire plus facilement les énormes pavés de textes non illustrés, et, pour la bd, d'apprécier la trad de Manchette (et son fiston Doug Headline) Très  bonne trad

Gibbons est excellent, il fait tout passer, s'adapte à tout ce que lui demande (exige?/) le scénariste, sans frimer, sans s'effacer non plus

C'est vraiment un excellent boulot

Le scénario, tout le monde le connait mais quelle inventivité, et quel travail de fou! Bientôt 40 ans que Moore a écrit ça et c'est encore d'actualité, peut-être même plus que jamais, au niveau des réflexions de fond

Ce qui fausse un peu  la donne est que ce récit a eu une telle influence et, surtout, a entrainé tant de suiveurs et de pâles copies, qu'il est presque difficile d'isoler ce "patient zéro" pour le lire sans a priori

Si on y parvient la lecture est au moins aussi jouissive aujourd'hui qu'il y a des années


Voici quelques pages couleurs vf (juste après un chouette gros plan d'un psychopathe)





et un gros paquet de scans de planches originales, en vrac, qui permettent d'admirer le travail de Gibbons sur ce qui est le plus souvent un gaufrier de 9 cases

L'original de la couv du tp que j'ai lu

Belle pub d'époque (avec chouette citation de l'un des perso)














J'aime le travail de couleur de John Higgins qui a fait avec les moyens de l'époque

Voici ses notes pour les codes couleurs des personnages


La méthode était celle du traditionnel color guide




Très content d'avoir lu ces Gardiens pour la 3ème fois, même si je pense que je ne le relirai jamais autant que "le livre d'en face"


12 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai découvert ce récit à l'époque en grand format Zenda grâce à un pote. La claque ! L'éditeur avait fait du beau boulot et il y a avait ces couvertures exclusives à la VF (un sacré bonus qu'avait obtenu Zenda, quand on y repense).

J'ai ensuite acheté le TPB US, dont tu montres la couverture, au début des années 90. Mon premier TPB. Mon portefeuille avait eu chaud (pas habitué à l'époque...). Avec le recul, je regrette qu'il m'ait empêché que tenter de collectionner les singles, souvent vus dans les bacs pendant des années, avec des prix qui m'ont souvent dissuadé (Watchmen a toujours été cher en single, même dans les bacs à l'étranger). C'est bien dommage car c'est notamment à la lecture périphérique de ces singles que l'on voit l'enthousiasme qu'avait suscité très vite cette MS, même chez les pros, dès la sortie du premier numéro. C'était devenu un classique presque instantanément après deux ou trois numéros ; tout le monde comprenant bien la cathédrale que Moore et Gibbons étaient en train de bâtir, car elle n'était même pas finie de concevoir !
Je n'ai jamais trop prêté attention à la réception immédiate de l'oeuvre d'en face, mais je suppose que cela avait dû être quelque chose de similaire à l'époque, non ? (je m'interroge quand même sur l'impact du prix, en raison de formats différents : un numéro de DKR valait 3 dollars, et la moitié pour Watchmen)

Philippe Cordier a dit…

J'ai hésité pour Zenda mais j'ignorais alors que les couv étaient exclusives, et j'étais un poil gêné par le format comics agrandi, à tort car ca passe très bien (et je n'ai pas hésité pour la vf Zenda de DKR)
Dark Knight a eu un succès également quasi immédiat malgré le prix très élevé pour l'époque, ce qui a à la fois permis aux deux gros de multiplier les format plus luxueux, et aussi de se prendre qques gadins avec des comics chers mais sans un contenu qui le vaut

DKR et Watchmen sont vraiment des ovnis hors du commun à tous les niveaux

Laurent Lefeuvre a dit…

"Moore = Le Cerveau et Miller = les tripes".

C'est sans doute vrai.

Dans son fantastique "Les Secrets d'un Maître", le dessinateur Dave Gibbons qui a le privilège d'avoir travaillé avec les deux auteurs (Give Me Liberty et Watchmen, donc) compare Moore à Mozart, qui planifie avec génie... et Miller, artiste free Jazz, capable d'incorporer une bonne idée en cours de route, faisant de ses œuvres, des récits vivants, où l'impro a sa place.

Cette dichotomie tête/tripes, on l'a tellement pointée (forcément, comme les Stones et les Beatles se sont définis en opposition à l'autre)... que les auteurs eux-mêmes semblent s'être enfoncés dans cette définition au fil des décennies suivantes.


Mais à l'époque de Watchmen et DKR (1986, donc) c'est sans doute moins évident, car les 2 récits ont beaucoup en commun dans la critique au vitriol de la décennie de Thatcher et Reagan (même si Moore se déguise avec son uchronie où Nixon est réélu).

La déconstruction de la figure virile à la Dirty Harry qui règnait alors en maître, et où paradoxalement, Moore et Miller signent alors la plus belle apologie (le nombre de gens douteux fascinés par le vieux Batman à la limite du facho, et des punchlines de Rorschach en attestent).


Donc, il y a bien des tripes dans le cerveau de Moore... et du cerveau dans les tripes de Miller.

Alors... qu'est-ce qu'il me manquerait pour un attachement encore plus complet ?

La réponse est évidente : du cœur.

J'en trouve peu dans le monde (et le dessin) aseptisé de Gibbons. C'est normal, c'est voulu, et ça sert le propos "glaçant".

Il y en a un peu dans DKR : l'attachement de Robinette à ce vieux machin blessé qui lui sert de père de substitution : rigide mais attentionné.


Là où le triangle cœur/tripes/tête est équilibré... c'est Born Again (Scoop !)!

Alors juste pour ne pas rester non plus dans les toujours mêmes titres (encore que...), je mettrai un grand paquet de récits signés Chris Claremont pendant 15 ans (et donc aussi en 1986), qui reste à le relecture un des très grands du comics. Dans cette série qui reste comme un ovni tant ça a irrigué la décennie :

1 - les tripes de l'action, bien servis par un paquet de storytellers géniaux (Barry W. Smith, Paul Smith, Silvestri... la liste est infinie) IL y a sur ce titre et en bonne proportions :

2 - le cœur, la richesse des relations entre chaque membres des équipes de X-Men/New Mutants, et c'est quasi sans égal dans mes lectures d'ado.

3 - La tête : le sous-texte politique, social, historique.

IL y a plein d'autres séries/auteurs dont on pourrait faire le triangle tête/cœur/tripes, je pense à Ann Nocenti tout à coup, mais Claremont est arrivé en premier pour l'ampleur de la marque. Peut-être le fait d'avoir TROP produit le rend-il moins évident, en comparaison à Miller/Moore ? Peut-être le fait qu'il n'a pas soumis ses dessinateurs comme les deux autres (il reste aussi le Yes-man, l'homme du record de X-Men #1 et ses 8 millions d'exemplaires pour mettre en avant Jim lee).

Et pourtant. À l'instar d'un Stephen King, dont la popularité aura peut-être éclipsé qu'il est un Mark Twain de la fin du XXe siècle pour le roman, je tiens Claremont aussi haut que les deux autres rock stars.

À la différence de Moore/Miller, plus disséqués qu'une grenouille en cours de bio, il manque encore peut-être à Claremont, l'agiographe inspiré qui lui rendra sa couronne.

Une fois de plus, j'ai bien dérivé du sujet de base...

Philippe Cordier a dit…

Non c'est bien dans le thème global et comme d'hab très intéressant et réfléchi
Mon ordre à moi c'est tripes/tête/coeur, donc je mets Claremont bien en dessous même si j'aime beaucoup de ses œuvres, car il y a d'abord le cœur, voire même du soap excessif à mon goût
Et surtout des ficelles, trop pour moi, mais je reste un grand fan de pas mal de ses prod

Quant à Watchmen/DKTR il est vrai que la dichotomie tripes/cerveau fut beaucoup évoquée, mais elle est si vraie : même s'il y a une vraie réflexion chez Miller il y a à l'évidence d'abord de l'instinct, à tous les stades, de l'idée à la planche encrée Et Moore semble avoir tout calculé à l'avance

Et sinon bien sur je te rejoins sur l'oeuvre ultime du genre, Born Again

Quant aux effets pervers par ricochets de ces 2 livres cultes de 86 tu as tellement raison : combien de lecteurs et d'auteurs se sont arrêtés à l'écume qu'est le vieux héros réac et/ou Rorschach pour jubiler devant la violence ou créer des récite premier degré gratuitement grim & gritty

L'Anonyme a dit…

Peut-être que le défaut de Claremont est d'avoir été(/être) un scénariste nettement plus prolifique que les deux autres ?

A l'époque où nous baignions (allez, avouons-le, même si pas longtemps pour certains, n'ayons pas honte) dans son mainstream, et notamment dans ses X-men, disons quand même qu'il nous fatiguait régulièrement avec certaines de ses histoires à rallonge, ses subplots oubliés ou certaines incohérences sur la masse...
Avec le recul, il faudrait effectivement rendre à César ce qui est à César.
Un merveilleux conteur.

Philippe Cordier a dit…

c'est très probable
Je suis persuadé qu'il a fait beaucoup de soupe indigeste, ou à tout le moins à l'intérêt très relatif
Cela dit les pépites dans son œuvre en sont réellement (Dieu créé..., Serval/encore Miller) et les runs des mutants quand ils étaient bons étaient TRES bons
Il est comme son ex complice Byrne, il faut prendre du recul et ne pas tout prendre ou tout jeter en bloc

Franck.Biancarelli a dit…

Je te fais une entrée sur Fatale Symétrie, si tu veux...
Un peu comme celle que j' avais faite sur Nogegon.

Jerome ZeFrencGeek a dit…

Philippe, est-ce que tu as lu Watching the Watchmen ? Je l'ai laissé passer une première fois, pensant à tort qu'il s'agissait d'une prédelle/séquelle faite pour traire la vache à lait un peu plus mais en fait il s'agit d'un gigantesque making-of de Watchmen, d'après les archives de Dave Gibbons ! Pas trop cher en plus, il y a moyen de le trouver pour $20 en usagé.

L'Anonyme a dit…

Je l'ai de mon côté, c'est un must-have.

Philippe Cordier a dit…

Quand tu veux Franck

Jérome oui je l'ai en vf et c'est très intéressant
J'ai aussi hésité avec une version commentée de Watchmen mais là pas pris

Paul Raffy a dit…

De la cervelle, des tripes, du cœur. On se croirait dans une triperie, il ne manque plus que des rognons et du foie...

Plus sérieusement, les des histoires ont quand même pas mal de points communs : les personnages ; si on combine Nite Owl et Rorschach on a un Dark Knight tout à fait proche de celui de DKR, la grande courgette bleue et Dr Manhattan sont assez comparables, armes suprêmes des USA, sauf qu'un des 2 aime bien se promener la zigounette à l'air, les 2 pres gâteux, Nixon et Reagan ; les mégapoles grouillantes et malsaines ; la menace d'un conflit nucléaire imminent entre USA et URSS.

C'est à se demander si Moore et Miller ne se sont pas mutuellement inspirés. Ou plutôt est-ce que Miller n’aurait pas été influencé par Moore : l’histoire de DKR semble finalement plutôt décousue. On sent un peu l’improvisation d’un épisode à un autre.

Mais surtout, ces 2 œuvres majeures ont été publiées en même temps par DC. Je me demande bien ce que la maison d’en face en a pensé, tant l’écart entre les deux éditeurs semble s’être tout à coup creusé de façon abyssale.

Philippe Cordier a dit…

c'est sur que le contexte a aussi beaucoup joué, en geopo locale/internationale...une même colère qui sort de façons différentes