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lundi 16 décembre 2013

Jae Lee : Statufication d'un style

Son nom m'a été suggéré à l'occasion d'un commentaire il y a quelques temps et je trouve le "challenge" intéressant puisque le Monsieur, depuis pas mal de temps, ne s'encre plus. 
Aucune prétendue exhaustivité dans ce qui arrive ci dessous, mais une certaine représentativité de l'évolution je pense
Jae Lee a débuté à  moins de 20 ans dans les pages de Marvel Comics Presents et c'était...argh!
même si pointaient certains de ses futurs tics sur les persos notamment
C'est sur Namor, à 20 ans et sur scénario de Byrne (puis Harras) qu'il explose
Son influence majeure, évidente à ses débuts, était Bill Sienkiewicz.
Il s'encrait lui même, bossait très très vite et la puissancebrute  était au moins aussi présente que l'inexpérience
Il garde cette influence sur d'autres travaux Marvel de la même époque, comme X-Factor. Il copiait régulièrement des cases de Mignola ou, comme sur la 1 de la page ci dessous, Romita Jr. Le but n'étant pas de copier pour copier, mais pour aller vite et garder la pêche

devenu "star" il est attiré par les p'tits jeunes de Image.Il ne change pas son style pour autant et garde l'influence de Bill S.sur des trucs sans intérêt dont le moins grave est Wildcats Trilogy
Le vrai changement c'est avec la création de son titre à lui, rien qu'à lui, sorte de the Crow perso, Hellshock. 
Bill est bien là sous la couv, caché
mais  à l'intérieur il quitte un peu son style, s'approchant d'un McKean ( élève de Bill d'ailleurs) dans la finition plus propre
Maintenant qu'il s'est trouvé un style plus "clean", même si toujours sombre, il va transformer l'essai en revenant chez Marvel avec son pote Jenkins au scénar, pour Inhumans et Sentry, qui le relancent en star du mainstream


Toujours dans un but avoué de gagner du temps il fait muter son style, travaillant maintenant sur photos, figeant les poses de ce fait, et axant plus sur de l'illustration que de la narration complexe. Il simplifie et joue sur les noirs, dans le sillage de Maitre Mignola. mais ce n'est pas toujours heureux (n'est pas MM qui veut) et le lecteur se retrouve régulièrement avec des palanches vides (même si noires) que ce soit sur son Batman (pas vilain) ou des Captain America (moins bien)
Il est devenu, pour moi, plus un cover artist que narrateur. Lorsqu'il s'encre le trait est sans jeu d'épaisseur, à l'opposé de l'approche de ses débuts
Celle ci est bien inspirée Mignola
Tous ses perso se transforment en statues, figés par les photos et le traitement automatiquement similaire qu'il en fait
Il doit bien le savoir puisqu'il nous présente souvent ses héros sous forme de...statues

il est aujourd'hui reconnu comme "Monsieur Stephen King", aux manettes d'une partie de l'adaptation de la Tour Sombre. Il ne s'encre plus, le trait étant photographique, détaillé, et l'encrage n'apportant rien.

Son plus récent boulot, sur un cross Superman/Batman confirme le virage et cette approche systématique, que je trouve précieuse et maniérée, même si joliment exécutée
Associé à son coloriste fétiche (Villarbuia) le rendu final est joli, mais me laisse froid
Sur son spin of décrié de Watchmen il joue à fond la carte art déco maniéré, et ça marche probablement bien sur ses nombreux fans (c'est tout le mal que je lui souhaite). 
Pour moi, nous avons perdu un artisan des comics pour gagner un "illustrateur de romans graphiques"

16 commentaires:

Laurent Lefeuvre a dit…

Rien à ajouter.
Je l'ai découvert avec le même enthousiasme que toi dans les Marvel Comics Presents (que j'achetais pour Sam Keith). je l'ai également nettement moins détesté sur Namor. Mon dernier achat de son boulot est un numéro de Wild C.A.T.S trilogy. Pas désagréable à regarder. Le souci pour moi, c'est qu'il ne fait rien de la froideur de son style (pourtant aproprié pour les Inhumains): Au lieu de l'assumer (y aller plus à fond à certains moments ou de la contrebalancer quand l'histoire, le ton, un personnage s'y prête), c'est juste un "truc" qu'il applique aussi bien à Superman qu'à un humain lambda, à égale puissance.

Du coup ça ne me touche pas. J'ai la même sensation avec un autre de ses cousins au trait "rasoir-agressif" : Gabrielle Dell'Otto.
Ta relecture de son parcours dit tout ce qu'il y a à dire sur lui.

Philippe Cordier a dit…

C'est dommage en effet
Dell'otto parvient à me laisser froid même dans la chaleur de ses couleurs
Quant aux regrettés Marvel Comics Presents je les prenais aussi pour Kieth mais il y a eu des trésors (Ditko, Colan, Leonardi, Buscema/ janson..) et tout ne fut pas compilé

Laurent Lefeuvre a dit…

Oui. Et comme je me méfie de mes propres opinions toutes faites,
je me suis essayé à un test :

J'ai tapé tout à tour "Jae Lee" puis "Gabriele Del'Otto" dans Google Image pour avoir une vue d'ensemble de la production de chacun. La petite taille des vignettes aide à prendre du recul. Puis j'ai fait la même opération avec Bill Sienkiewicz.

Il y a "stylistes" et "artiste".

Philippe Cordier a dit…

t'es dur, Le Gab' est pas mal quand même, mais en effet à des années lumières de Mister Bill

Laurent Lefeuvre a dit…

On dit la même chose.

Je lui accorde sa technique très maîtrisée, l'énergie et la puissance qui s'en dégagent. Mais il n'exprime aucune autre sensation. Impecc pour faire des posters Bad Ass... mais limité pour raconter une histoire, non ?

Laurent SIEURAC a dit…

Ca fait en effet pas mal de temps que je ne lis plus du Jae Lee vu que, comme tu le soulignes, il a depuis longtemps arrêter de raconter des histoires. C'est d'autant plus dommage qu'il y avait vraiment quelque chose de vraiment intéressant sur la fin de son run sur Namor.

Après, cela devient trop maniéré, trop finalement lisse et maitrisé. Certes, on le reconnait dés le premier coup d'œil, mais l'énergie des début n'ai plus là, j'ai l'impression de voir ce que ce qu'il faisait il y a 20 ans à pris un coup de chaud et tout et devenu lisse, sans aucune prise sur l'œil...ca glisse sans s'arrêter!

Dommage en ce qui me concerne!

Philippe Cordier a dit…

nous sommes déjà au moins 3 désabusés du Jae lee
Ferai je une entrée du même type, en tout cas ca le mériterait, sur un sujet TRES proche : Sam Kieth

Laurent Lefeuvre a dit…

Mince !

C'est toi qui es dur (ou j'ai mal compris ton allusion à Kieth)!

http://samkieth.blogspot.fr

Là, j'adore !

Philippe Cordier a dit…

tu as bien compris, je suis un déçu de Kieth. Il est toujours potentiellement bon, comme en atteste son blog, mais en bd il est perdu pour moi
mais en fait je vérifie et je vois que je radote car je l'ai déjà faite cette entrée :-)
http://philcordier.blogspot.fr/search/label/sam%20kieth

Laurent Lefeuvre a dit…

Alzheimer nous guette : j'avais déjà ramené ma fraise sur ce post de Kieth que tu cites.

Ceci dit, je n'ai plus rien lu de lui depuis le "Batman : Secrets". Je persiste néanmoins : Kieth reste un auteur (il a des obsessions, des choses à raconter, et il se bagarre avec le papier, les ciseaux, l'encre, la colle, pour nous les faire partager. Faire de temps en temps de "la belle image" (il l'avoue lui-même) n'est jamais qu'un moyen de retenir notre attention, et pas un but en soi (hop : fourbe retour à Dell'Otto/Jae Lee !).

Anonyme a dit…

Moi celui qui me déçoit ces temps ci, ce serait plutôt Bachalo qui est vraiment en petite forme sur Uncanny X-Men (titre qui en plus concentre les défauts d'écritures de Bendis) j'aime bien son style de ces dernières années, mais là je trouve que ça devient brouillon.
http://www.buzzcomics.net/showthread.php?t=51846
Bachalo mériterait également une entrée sur son évolution graphique (à moins que ce ne soit déjà fait ?).

Philippe Cordier a dit…

on est d'accord sur Kieth donc
Pour Bachalo, j'ai déjà montré pas mal de "bricoles"
http://philcordier.blogspot.fr/search/label/bachalo
mais jamais de vraie observation de son évolution; C'est pourtant passionnant. je suis plus gentil sur son style actuel car il cherche, il joue, il expérimente, mais je trouve néanmoins qu'il est plus designer que narrateur (cf ses couv superbes et ses compo de planches)
Le fait qu'il bosse sur des perso qui ne m'intéressent plus et avec un scénariste que ne m'intéresse pas n'aide pas
Et je préfère bien sur la fin de son run sur Shade

Duphot a dit…

Il y a quelque chose que je trouve morbide et fascinant dans son travail, mais comme toi ça m'attire peu.

Philippe Cordier a dit…

mais c'est un excellent résumé ça en fait oui

Anonyme a dit…

Il y a une influence dont tu n'as pas parlé et qui est primordiale dans le virage vers la photo et la manière de la transcrire de Jae Lee. Il s'agit de Sean Philips. Lui aussi dessine entièrement d'après photo. Jae Lee s'est totalement inspiré de son style, avant que Philips ne fasse évoluer le sien vers celui que nous lui connaissons aujourd'hui (mais toujours tributaire de la photo).
A cette époqque Philips restait très proche de la photo et son encrage utilisait beaucoup une technique de traits croisés à la limite de ses aplats noirs. Jae Lee a entièrement pompé cette façon de faire et n'en a plus changé depuis.
Philips raconte d'ailleurs une anecdote très révélatrice. Il était présent à une convention en même temps que Jae Lee, mais celui-ci a tout fait pour ne pas le croiser sachant pertinemment ce qu'il lui devait. Il avait peur que Philips réagisse mal. En réalité, ce dernier n'en avait rien à faire.

Philippe Cordier a dit…

Excellent, merci pour cette analyse qui ne me frappait pas a priori
C'est vrai que les deux étaient terriblement figés, et le sont encore d'une certaine manière, même si l'évolution de Phillips, et avec son asso avec Brubaker; m'a infiniment plus intéressé