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mercredi 20 juin 2018

Les petites croix de Mignola, Acte II

 Après Dracula, voici un autre mini chef d’œuvre d'un Mignola alors proche de son sommet artistique
 Craig Russel, grand dessinateur que je n'ai pourtant jamais apprécié, est un encreur occasionnel que je trouve en général trop envahissant. Pas sur Mignola. Un peu plus sur Iron Wolf mais pas sur ce Batman Elseworld
Un exemple de l'ambiance extra distillée par le duo
 Et voici la seule page que je connaisse, scannée à partir d'un vieux Scarce, de ce travail, avant encrage.
On retrouve ce principe de multitude de petites croix placées par Mignola pour son encreur.
Il faut sacrément avoir une vision d'ensemble de la compo de sa page à venir, finie, et des masses/volumes, pour se permettre de dessiner sans aucun aplat au crayon
 
Chouette boulot de colo de David Hornung, même si je vous conseille fortement la version net b parue en vf (avec un très bon Legends of the Dark Knight) chez Rackham

8 commentaires:

Philippe Cordier a dit…

ce qui n'arrive pas avec des grands comme Russel ou Williamson, mais lui est arrivé sur Cosmic odyssey : il a du appeler l'encreur (Carlos Garzon je crois) après avoir vu le 1 pour lui dire de ne pas "finir" les crayonnés

Comme le notait lundi Laurent Sieurac il est plus que probable que les masses noires soient présentes au niveau du rough mais quand même, au crayonné il peaufine avec une vision finale sacrément bien en tête

Anonyme a dit…

Intéressante votre discussion...

Moi, je me suis toujours demandé comment un encreur pouvait correctement interprêter une planche entièrement dessinée au crayon bleu clair, et ce quand le dessinateur n'a pas un style épuré et où il faut donc faire des "choix"... (je mets des gros guillemets)
J'ai chez moi une planche de jeunesse de Tommy Lee Edwards dessinée comme cela (à l'époque où il louchait sur Mignola justement), et je me dis que Dick Giordano avait fait un excellent travail par dessus, en étant obligé, de plus, d'employer des hectolitres d'encre, ce qui n'était pas dans ses habitudes (j'entends par là, dans le standard des travaux qu'on lui confiait à l'encrage).

phil cordier a dit…

à l'occas montre un scan de ta planche on te l'étudieras :)

Anonyme a dit…

Ben voilà, en très haute résolution tant qu'à faire.

https://expirebox.com/download/d6c39f13f2714bf73158ba56be8faa5c.html (expire probablement dans 48h)

Les emplacement des bulles laissent deviner le tracé d'origine au travers... et pour moi, néophyte que je suis, pour mettre çà en encre, il me semble qu'il faut quand même une bonne vue, de l'inspiration et bien sûr, beaucoup de métier.

Ce qui m'épates avec le recul, c'est que Giordano a même réussi à faire du Edwards d'avant l'heure (cette planche a été dessinée fin 1996). Si on regarde le chat dans le deux dernières cases, par exemple, c'est du Edwards tout craché.

Philippe Cordier a dit…

Merci pour cette image
je n'aurais jamais imaginé que ce soit de Giordano
Le gars était l'un des tous meilleurs encreurs, et de loin (sans compter qu'il a aussi formé, ou contribué à) les meilleurs
Ce qui est remarquable est qu'en effet il a carrément respecté le style du tout jeune Edwards alors que ce genre d'encreur star d'un époque avait tendance à vouloir uniformiser le trait d'un jeune, pour l'améliorer ou au moins le faire rentrer dans le moule considéré comme le standard d'une époque. Bon ET humble
Resterait à savoir si des assistants ont oeuvré ou pas sur ta planche car il en abusait un peu (des Superman de Byrne, signé Giordano n'ont pas été touché par lui Ca n'enlève rien à l'intérêt de ta planche

Anonyme a dit…

Oui, Giordano a respecté totalement le jeune Edwards. La question est : un grand pro comme lui pouvait-il faire autrement ? Cela rejoint la question technique que je posais au premier abord sur la mise en encre de tout ce bleu… Comment faire ? Et du coup, interprêter sans trahir et sans se trahir soi-même, n’était-ce pas la seule voie pour lui face à ce type de planche ?

En ce qui concerne le fait que ce soit du pur Giordano dans le cas présent, j’en suis certain à près de 100%, et je vais te dire pourquoi.
Je suis totalement d’accord que Giordano a eu effectivement, comme tu le dis, des assistants à l’encrage dans les 70’s et les 80’s, mais on n’est pas dans le même contexte. Cette planche correspond à une période très particulière de la vie de Giordano : celle de la deuxième moitié des années 90, où il venait de cesser toute fonction éditoriale chez DC et où il était redevenu pour eux un simple free-lance, un indépendant, d’abord à l’encrage, puis après aux dessins (dans ce dernier cas, je pense aux mini-séries réalisées avec son disciple Bob Layton : « The L.A.W. » avec les personnages de Charlton, ou « Batman : Dark Knight of the Round Table »). Si tu regardes cette période dans le détail, tu verras que c’était un vrai papillon. En tant qu’encreur, je pense qu’il aidait DC, en fait, à s’en sortir au niveau des délais. Lui, cela lui donnait du boulot, et DC, de leur côté, devaient être trop contents de pouvoir s’appuyer sur un pro comme lui pour boucher les trous de la meilleure manière possible…

Et après, il y a le contexte dans lequel j’ai acquis cette planche. Cette planche provient d’un grand lot de planches qu’avait récupéré Giordano, de DC notamment, probablement selon la répartition classique en retour qui permet au dessinateur d’en récupérer tant, et tant à l’encreur. J’ai pu obtenir l’info qu’à son décès, sa famille s’est débarrassée de ce lot de planches, qui étaient sans doute des œuvres totalement mineures pour eux (il y avait par exemple des planches de « The L.A.W. », des planches de la seconde MS « Gotham Nights », du Green Arrow en annual ou special, du Richard Dragon, etc… le tout datant de ces années-là) en les vendant à un marchand de planches américain.

Dans le cas du titre « Gemini blood », il faut voir qu’Edwards a d’abord assuré totalement dessins et encrage avant de commencer à ramer très logiquement au fil des numéros (il n’a jamais été très rapide – si tu as lu « Mother Panic » récemment, tu sais que son rythme de production ne peut excéder plus de quelques comics par an…). DC l’a donc soutenu pour la fin de la mini-série, en confiant les encres d’abord à Bill Sienkiewicz, puis Giordano pour les deux numéros restants. Je ne serais pas étonné du coup que DC ait passé la consigne de rester dans la continuité artistique de ce qu’avait fait Edwards sur les premiers numéros. On n’était pas dans du ink-assist d’après les crédits, et cela se voit, notamment parce que le numéro de Sienkiewicz, rien que lui, tranche naturellement sur les autres (pourtant Sienkiewicz y est très sobre, ce qui pourrait confirmer l’existence de consignes) et, pour les numéros de Giordano, on voit que l’encrage est bien meilleur et bien plus soutenu que sur les numéros où Edwards est tout seul !

Anonyme a dit…

En tout cas, le crayon bleu, çà peut être devenir quelque chose de dément pour des amateurs comme nous qui découvront certaines planches, alors qu'à la base, c'est un outil comme un autre. On peut découvrir des pépites cachées. Déjà, dans un premier temps, quand on voit la boucherie de la colorisation des titres « Helix » à l’époque (sous prétexte que c’était un imprint de SF, autant dire un ovni pour DC, ils avaient voulu donner une touche différente aux titres, et bien, c’était raté et hideux !), rien que les planches originales apparaissent déjà bien meilleures au naturel. Quand on chope du coup une planche qui se déroule de nuit avec une certaine ambiance, et bien, « Damned ! » : le crayon bleu allié à l’encre, ce sont eux qui deviennent les vraies bonnes couleurs ! Je n’avais jamais vu quelque chose comme çà avant.

Exemple, avec cette planche qui concluait la série à sa toute fin (Giordano encore donc, avec encore plus d’encre, sur Edwards) :

https://expirebox.com/download/f102fcb9835389988803552361afe06d.html

A mon goût : inutile de dire que je ne lâcherais jamais cette planche, tout aussi mineure qu’elle soit. Une ambiance extraordinaire de nuit, inspirée des « Mystères de l’Ouest », car le héros, lui-aussi, se baladait dans un train aménagé.


Ma vision de Giordano a beaucoup changé depuis ces planches. Il était tout ce que tu disais, et en tout cas, il était donc plus polyvalent et quelque part encore plus talentueux qu’on pouvait l’imaginer.
RIP

phil cordier a dit…

très intéressant tout ça, merci
Oui Giordano a eu plusieures vie, et le gars, dans son ensemble, est passionnant à étudier (je conseille, entre autres, le bouquin de Twomorrows sur lui, "changing comics one day at a time"
Le bleu, si c'est le bleu d'origine, est probablement proche du crayonné pour un encreur, mais par contre le bleu quand il s'agit d'une impression du crayonné, en bleu, est souvent a "pain in the ass" disent des encreurs, car le toucher n'est, parait il, plus le même
Mais tu as raison, le bleu nous permet de voir des choses qui, au crayon, auraient été gommées