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vendredi 29 janvier 2016

Monsieur le Président

 Après de longues polémiques, tergiversations et atermoiements, le festival d'Angoulème a son président (et son affiche pour 2017) 
Et bien ce n'est pas dommage. 
Wendling est une surdouée du dessin, Moore est le scénariste emblématique des 30 dernières années, mais Hermann mérite amplement ce titre.
Je suis très très loin de tout connaitre de ce géant de la BD, mais j'ai lu et/ou vu pas mal de choses, entre Bernard Prince, Comanche, Les Tours de Bois Maury, Jeremiah... et ses très nombreux one shot, l'oeuvre est colossale
Le sanglier des Ardennes est un personnage à part, pas commode (c'est l'un de mes souvenirs d'itw les plus dures à faire en live) Mais si on ne regarde que l'oeuvre je le vois un peu comme un Punk. No Future et du dessin à fond les manettes
J'ai peu de livres de lui car son pessimisme m'a pesé, tous ses scénar ne m'ont pas convaincus (pis des femmes souvent "pas bien belles", et idem pour ses gars...) Bref j'ai eu ma période tout de même
Ici il est souvent question d'encrage alors c'est ce prétexte que j'utilise pour en parler
A ses débuts il est sur le terrain de Giraud mais a déjà son style. Le dessin est ultra solide et l'encrage à l'avenant
 C'est devenu un maitre du noir et blanc. il sait tout gérer : la narration, les plans, les ombres...
 Il a beaucoup travaillé ses mises en couleur sur bleus, ce qui donnait de belles planches noir et blanc, avec parfois un cerné fin et peu de masses de noir, pour laisser de la place à la couleur
 
 Mais ce qui m'a lus plus parlé, étonnamment pour un fan d'encrage, c'est la longue période, assez récente d'un Hermann qui n'encre pas et met en couleur directement son crayonné. Un superbe dessin avec une mise en page au cordeau, sublimée par un sens de la couleur que j'adore...Miam
 
 Même avec peu de tons, sur du sépia c'est la grande classe
 Alors bien sur il a des tics narratifs, des gueules typées qui se retrouvent, mais quand même, quel savoir faire! C'est un raconteur d'histoires.
 Le grand prix va probablement lui faire autant d'effet qu'un chèque en bois mais il reste mérité. 
Pour finir, je n'ai pas acheté ses albums depuis quelques années mais c'est peut être celui ci qui m'a fait redécouvrir Hermann à une époque : Sarajevo Tango

9 commentaires:

artemus dada a dit…

Je me permets une incursion dans les commentaires pour proposer un lien : http://artemusdada.blogspot.fr/2014/03/sarajevo-tango-hermann-le-dossier-de.html

Il s'agit, justement, du dossier de presse de Sarajevo-Tango dont tu parles.

J'aime beaucoup, moi aussi Hermann, et j'avais eu l'occasion d'acheter ce dossier de presse, puis je me suis dit qu'il serait peut-être intéressant de le proposer aux plus nombreux.
Je ne sais pas s'il apprendra grand-chose aux connaisseurs mais sait-on jamais ?!

Voili-voilà [-_ô]

Philippe Cordier a dit…

Merci, même si mon tel refuse. :) je verrai ce soir

RDB a dit…

Pour ma part, j'ai apprécié Hermann plus jeune, c'est un dessinateur qui formait une belle équipe avec Greg, mais je suis très partagé quant à son couronnement.

En effet, humainement, je trouve le bonhomme à gerber, je ne lui pardonnerai jamais ses prises de positions pro-peine de mort : ça, c'est une vraie tache dans la carrière d'un artiste pour moi, le genre de truc qui me gâche la vie - et c'est pour ça que je préfère souvent ne pas savoir grand-chose des idées politiques d'un artiste, pour éviter ce parasitage. Du coup, récompenser un artiste avec des idées aussi moisies, c'est aussi accepter ses idées quelque part, et ça me dérange. Deux ans après avoir (enfin !) sacré Bill Watterson, un modèle d'intégrité, ça fait désordre.

Evidemment, c'est un grand dessinateur, particulièrement pour "Bernard Prince", "Comanche", "Les Tours de Bois-Maury" (les 10 premiers tomes). Mais je n'aime pas du tout ses albums en couleurs directes, avec un résultat vraiment vilain. Ses one-shots me sont toujours tombés des mains, et donc "Jeremiah" me donne des haut-le-coeur.
Il est donc très bon mais ce n'est pas un grand, ou alors trop irrégulier. Il a des fulgurances, il crée des images mémorables, mais a-t-il une oeuvre ? Je ne le pense pas. Une carrière, du talent, ça ne suffit pas à constituer une oeuvre (ce qu'honore le Grand Prix). Pour moi, le meilleur de son oeuvre est derrière lui, depuis très longtemps. Quand j'ouvre ses derniers albums, je ne vois rien qui mérite ce sacre. C'est aberrant.

Le voir consacré plutôt que Alan Moore, qui n'est pas seulement le scénariste emblématique des 80's mais un narrateur qui a totalement bouleversé le média, la façon de le lire, me semble une énormité comme seul Angoulême est capable d'en commettre.

Bon, je dis ça, je dis rien. Mais je ne partage pas ton enthousiasme.

Philippe Cordier a dit…

Les avis divergent, et c'est pas plus mal. Moi j'ai aimé des one shot,J'aime sa couleur. Angoulême ne couronne pas des idées mais une oeuvre. Je ne suis pas fan du gars mais franchement on ne peut pas dire qu'il n'a pas une oeuvre!! Une sacrée même.

Philippe Cordier a dit…

Artemus le dossier de presse rappelle l'essentiel: que cet album est un cri de rage provoqué, initialement, par la situation de Ervin Rustemagic (Ervin grâce à qui nous avons pu faire le Abraham Stone de Kubert avec Raph, au passage). Son exfiltration de Sarejevo fut possible grâce à de nombreux contacts extérieurs comme Hermann, Kubert, Baruccha... Kubert a choisi de raconter, le plus fidèlement possible, toute l'histoire dans Fax de Sarajevo. Hermann transforme tout à sa sauce pour en faire une fiction. Ma mémoire est trop mauvaise et la lecture de ce Sarajevo Tango trop lointaine, mais du coup j'ai envie de relire ce livre.
Survoler la carrière d'Hermann me confirme ce que j'évoquais plus haut : la difficulté de contester l'œuvre de Hermann : entre son travail en duo avec Greg, en solo sur plusieurs sériés, puis avec son fils (même si discutable sur ces histoires) et ses one shots nombreux, engagés, ou pas. le tout avec des changements de techniques réguliers et un dessin ultra maitrisé sur une narration top...Même si encore une fois tout n'est pas à prendre pour tout le monde (je dois avoir moins de 10 albums)
Quant à la polémique sur l'homme...autre sujet, et colossale discussion sur la dissociation homme/oeuvre(Voyage au bout de la nuit est l'un de mes livres favoris :)

Laurent Lefeuvre a dit…

L'homme et l'oeuvre.

Un débat, infini.

Jusqu'à quel point peut-on aimer la part artistique de quelqu'un, quand par ailleurs on est pas d'accord avec son discours ?

L.F. Céline est reconnu comme un très grand écrivain, malgré des "idées" bien moisies. Les procès politiques sont parfois un parasitage du jugement de l'oeuvre :

"c'est bien fait, mais le mec est un connard, alors non !"

Pourtant, cette part est indissociable de cette oeuvre, puisqu'elle la constitue aussi.

On apprécie (par exemple) les oeuvres d'un Robert Guédiguian, Brassens, Nocenti ou d'un Eisner, AUSSI grâce à l'humanité qu'ils y injectent.

Par contre, quand on n'aime pas les idées d'un artiste, l'oeuvre s'en trouve écornée, amoindrie, dans notre estime.

Parfois, c'est le paradoxe des deux, les contradictions qu'elle entraîne, qui enrichit l'oeuvre : "John Milius est-il facho ?" Jérémiah Johnson, ou Conan ?

Avec l'âge, ça bascule souvent d'un côté ou de l'autre.

C'est mon "idole" de toujours, Clint Eastwood, qui finit par me lasser pour de bon, notamment avec ces récentes déclaration de soutien pour Donald Trump.

Plus proche des habitués de ce blog, Frank Miller aussi, a fait jaser avec ses opinions dérangées, et ses oeuvres au goût... bizarres.

Je ne connais pas personnellement Hermann, mais je le tiens pour un des plus importants raconteurs de ces 50 dernières années dans la BD, avec un parcours de franc-tireur (tiens, un autre point commun avec Clint Eastwood) et une indécrottable soif de liberté.

Je le crois infiniment plus complexe que l'écrasante majorité des auteurs en activité. Son problème vient d'ailleurs sans doute aussi du fait qu'il sait glisser un miroir, un point de vue, entre ses personnages et nous, et qu'on peut ne pas aimer ce qu'on nous y propose.

Tout le monde ne sait pas faire ça.

Tout le monde n'a pas même forcément un point de vue.

On a le droit de penser aussi (c'est mon cas) que son peuvre tourne en rond depuis très longtemps.

Je connais quelques-uns qui connaissent le bonhomme(dont deux de ses éditeurs).
Chacun m'a expliqué comment le bonhomme joue lui-même, au-delà de sa véritable pensée, à se faire passer pour plus radical qu'il ne l'est en réalité.

Une réaction à notre époque.

Les opinions un peu molles dans l'air du temps (je n'ose dire "politiquement correcte", tant cette expression est utilisée à tout bout de champs ces derniers temps pour justifier des positions à minima réactionnaires), notamment au moment de la guerre de Yougoslavie, ont affranchi définitivement Hermann de toute réserve, jusqu'à saoûler plus souvent qu'à son tour.

Je ne sais que penser de tout ça.

Reste pour moi une sensation : Au-delà des convenances, des époques, des opinions, il me semble que le bonhomme aurait déjà eu ce fichu prix depuis bien longtemps, si les opinions qu'il a (ou qu'on lui prête) ne l'en avait "privé" (même si on sait bien, que tout le monde s'en fout comme de l'an 40, de ce prix).

Si le seul entre-soi ne préside plus à un prix artistique mérité (et je précise bien artistique, pas politique - Hermann ne va RIEN administrer)=, alors je me dis que le Fauve d'Or s'en voit redoré.

(Tout ça pour ça !)

Décidément, 2016 à Angoulême aura été celle des polémiques : La seconde est à mon avis bien plus intéressante que la première.



Philippe Cordier a dit…

Et bien, pour ne pas changer, je suis en accord avec tout ce qui tu viens d'écrire,
Connaître la pensée de l'auteur, avec certitude (merci pour l'anecdote sur Hermann qui "en rajouterait") influence forcément (en effet tu vises juste avec Nocenti et Eisner)dans un sens ou dans l'autre. Du coup on peut n'en être que plus exigeant sur l'oeuvre d'un auteur "limite humainement" et moins lui pardonner, voire même avoir un certain désamour (ce qui m'est arrivé, un temps, avec Miller)
Quant à Hermann c'est probablement en effet parce qu'il tourne en rond depuis un moment, que je repose chacun de ces livres en boutique depuis des années, sans rien enlever au talent du raconteur d'histoires

plumoc a dit…

Hermann:un poème à lui tout seul....
Un sacré personnage et un sacré talent,qui a utilisé pas mal d'instruments pour encrer au cours de sa longue carrière:plumes ,pinceaux en poils naturels,puis en poils synthétiques(il préférait ces derniers pour raison de confort,constance de qualité et sécurité face aux accidents sur la planche en cours de réalisation),Rotrings,artpens,pinceaux à cartouches,avant de passer à la couleur directe pour revenir un temps à l'encrage avec les pinceaux à cartouches(qu'il appelle "pinceaux japonais).
Le bonhomme,rustique il est vrai, surjoue son personnage de réac-misanthrope,surtout si ça emmerde ceux qui ne l'aiment pas,mais il s'est un peu enfermé dans cette posture à rebrousse poil et radote pas mal.Son fils,qui le surnomme affectueusement "le parangon de la vertu"dit que tout ça c'est "surtout de la gueule"et qu'en fait il est beaucoup plus rentré et effacé au quotidien,sans son "public".

Raconte-nous ton interview de Hermann SVP,je suis archi preneur pour ce genre de choses,et n'oublie aucuns détails.
Merci d'avance:-)))))))))))

Philippe Cordier a dit…

Malheureux ca fait presque 20 ans, ma mémoire flanche
Je crois que c'était avant de "faire Zep" (adorable) donc hyper stressé par cette 1ère itw pour un p'tite radio locale Le souvenir que j'en ai : il avait déjà cette réputation d'ours Je flippais
Sur un festival en s'isole un moment Je comptais sur son temps de réponse pour jeter un oeil à la question suivante su mon papier, et en fait il répondait trop vite, genre" oui, non, c'est comme ça.." et du coup je n'avais pas le temps de l'écouter ET d'anticiper sur la question à venir
Un excellent exercice néanmoins au final