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mercredi 27 novembre 2019

Trop de mots?

 J'ai déjà eu l'occasion de dire que Brian M Bendis n'est pas de mes scénaristes favoris, en partie du fait d'une narration décompressée, et bien trop bavarde à mon goût (l'exemple ci dessus n'étant pas le pire)
Mais ce qui m'a amusé est de lire une intervention récente de l'ex grand Chef Marvel Joe Quesada, parlant de ses Daredevil relancés au siècle dernier
Il rappelle que la "méthode Marvel" (popularisée par Stan lee : synopsis puis dessins puis dialogues) a bien évolué avec les décennies
Quand il a demandé à Kevin Smith de travailler de cette manière, le scénariste star du petit (et grand) écran a mis près de 5 épisodes à s'y faire. Quesada parle des excès de Smith dès le premier numéro. Smith a blindé les pages de textes, après les dessins donc, et refusé que Quesada en coupe.
Au début, parce qu'ensuite il a été obligé de reconnaitre l'excès.
Exemple
 
Rappelons que l'un des scénaristes les plus bavards est Chris Claremont
Bavard par nature, par goût, mais aussi pour, de temps en temps, faire en sorte que le comics final soit plus de lui que du dessinateur, surtout quand Byrne n'allait pas toujours dans le même sens.
La nostalgie me fait regarder ces séquences avec le sourire, tout en me disant que parler autant en embrassant ne doit pas être facile
 Ici il marque clairement la scène de son empreinte
 Ceci vient de Stan Lee qui avait un style très marqué, qui transparaissait davantage aux dialogues qu'au synopsis. Il faisait siennes les pages en mettant ses mots.
Les longs dialogues pendant les bastons furent une marque de fabrique désuète aujourd'hui, mais bien fun
 Il y allait fort par endroit quand même le Stan!
 Pour rester, et conclure, dans ce qui ne se fait plus, les bulles de pensées me manquent en peu
Elles avaient le charme de la redondance

19 commentaires:

artemus dada a dit…

Alan Moore citait souvent Mort Weisinger (un influent editor chez DC Comics dans les années 1960) à ce propos :
« Ce que Weisinger disait c'était : si vous avez six cases par page alors le maximum de mots que vous devez avoir dans chaque case ne doit pas excéder 35. Pas plus. C'est le maximum. 35 mots par case.
En outre, si une bulle a plus de 20 ou 25 mots, c'est trop. 25 mots est un maximum absolu. Bon, maintenant vous avez deux règles simples pour faire le plan de vos pages, ça vous donne un point de départ. D'accord, six cases, 35 mots par cases, ça veut dire 210 mots par page au maximum.[..]. Voilà la raison pour laquelle je compte d'une manière obsessionnelle tous les mots de mes scénarios, de manière à ne pas submerger les dessins. J'ai déjà vu des bandes dessinées où les ballons, énormes, remplissaient tout l'arrière-plan... »

Philippe Cordier a dit…

Merci pour cette anecdote pleine de bon sens
A partir du moment où ce serait une directive incitative et non impérative ce serait top. Une base, avec dérogations possibles

Idem pour ce que disait Eisner : une seule bulle par perso (quand je vois 15 bulles par têtes avec des queue de bulles qui se croisent et se recroisent...!!!)
Pas à graver dans le marbre bien sur, mais du bon sens encore une fois

Anonyme a dit…

Tout cela me fait penser aux excès de Kirby arrivé chez DC, quand, sur les New Gods par exemple, il redécrivait via les mots des dialogues, à foison, la scène qu'il était pourtant en train de dessiner sur ses cases !
C'est peut-être un exemple des plus pervers, une vraie schizophrénie cette fois ! :-)

Philippe Cordier a dit…

peut être un reste du "complexe" lié à des années de frustration quand Stan Lee écrivait autre chose (bien mieux d'ailleurs selon moi) que ce que lui suggérait dans ses cases, au crayon

Anonyme a dit…

Très probablement !
Après avoir posté mon commentaire, je me suis souvenu que ce défaut l'a poursuivi longtemps après en fait (ses Captain America du milieu des 70's, très difficilement lisibles, alors qu'au dessin, ce n'était pas forcément mauvais, même s'il était encré par quelques pattes lourdes de Marvel comme John Verpoorten)

Anonyme a dit…

Concernant les bulles de pensées, voir le lien ci-dessous :

http://www.brucetringale.com/le-defi-nikolavitch-bd-et-bulles-de-pensees/

Un des principaux responsables de la disparition de ces bulles de pensées serait un certain Frank Miller, aidé par un complice nommé Alan Moore...

C'est dans ces détails qui semblent moins importants, que l'on mesure la profondeur des bouleversements qu'ils ont amenés dans le monde des comics.

Philippe Cordier a dit…

Intéressant, forcément avec Alex N., et pertinent

Anonyme a dit…

Je ne connaissais pas ce mec, Alex N. pourtant je vois pas mal de points communs avec toi, Phil : né en 71, gros fan de comics, animant des conférences, un peu dégarni (OK, pas le physique, ni les affaires, ...), mais un commentaire à sa chronique m’interpelle : "Quand on sort des comics on sera surpris que les manga (notamment les shojos) mélangent les deux tendances narration interne/pensée un peu comme l’épisode de Daredevil cité… une autre façon de se servir de ce genre d’outil...".

N'est-ce pas là, dans les mangas, que l'on trouve les nouveaux codes de la BD d'aujourd'hui.

Franchement, moi je ne connais rien à l'univers des Mangas, à part Akira, version US, que j'ai lu il y a quelques années.

J'ai l'impression d'être largué, je n'ai aucune référence concernant les Mangas : quels dessinateurs, quels encreurs, quel est le procédé, ...

Je connais des petits jeunes qui adorent, moi je n'y comprends rien... Mais je crois que cela fait part des plus grosses ventes de BD actuellement...

Ne serions-nous pas de vieux as-been, tels que les amoureux du rock versus ceux du rap ? Amoureux des deux-chevaux versus les Tusla, du pot-au-feu et de la blanquette contre les hamburgers et les sushis ?

Philippe Cordier a dit…

dégarni? Je ne vois pas :)
Dans le déni peut être

Je pense que nous (majorité ici?) avons juste dépassé l'âge de péremption théorique pour lire des illustrés
Plus sérieusement (quoi que) il me semble qu'avec l’âge on (en tout cas moi c'est sur) va plus creuser et creuser encore sur des sujets qui nous intéressent déjà, pour mieux les connaitre, que chercher de la vraie nouveauté, même si la surprise est intéressante

je n'ai rien contre des conseils qui me seraient donnés en manga, (que je ne connais quasi pas) bien au contraire, mais je prend plus de plaisir quand je remonte, il y a quelques années, à Caniff puis Sickles, ou de Tardi à Bofa

En dehors de la joie d’être un peu moins ignorant ça permet aussi, comme dans tous les domaines artistiques, de critiquer, au sens premier pas forcément négatif, des nouveautés et de les mettre en perspective, avec en bonus la possibilité de passer pour un vieux donneur de leçon pour les jeunes
je dis ça en sortant d'un "débat" avec l'une de mes filles me disant que "Queens c'est mieux que les Beatles" :)))

Anonyme a dit…

Je vois déjà la scène à Noël : échanges croisés de DVD/blue-ray "Bohemian Rhapsody" d'un côté, "Yesterday" de l'autre.
LOL

Philippe Cordier a dit…

héhé
aucune chance parce que :
-elle a déjà les cd de Quenns (+ spotify)
-je ne suis pas fan des Beatles, même si j'ai tenté de lui expliquer pourquoi ils ne boxent pas dans la même catégorie, loin s'en faut

Plumoc a dit…

j'aimais bien quand il y avait du texte,ce qui pour le dévoreur compulsif que j'étais petit,au budget toujours trop limité,faisait durer les livres plus longtemps-pas tellement plus.

J'aimais plus évidemment quand ce surplus de texte était du dialogue que quand c'était du récitatif-descriptif-façon Roy Thomas sur Conan,qui me faisait ouvrir régulièrement le dictionnaire,textes que j'ai fini assez vite par apprécier- mais j'étais conscient que ce surplus me faisait vivre l'histoire/l'aventure plus intensément.

Ce n'est que bien plus tard que j'ai pris conscience que ces excès pouvait bouffer le dessin et sa fluidité,lui faire perdre de sa valeur et de sa pertinence.

Mais beaucoup de texte j'aime toujours,biberonné à l'école Claremont,pour moi une empreinte au fer rouge.




Pour le manga et ses procédés créatifs ,sans être un spécialiste je sais que les auteurs sont très encadrés par l'éditorial comme dans les comics,peut-être encore plus avec des délais encore plus serrés -sorties des mags de prépublications ,où la plupart des séries ou autres sont testés,hebdomadaires.
Référent éditorial,très interventionniste alors que les personnages appartiennent aux créateurs,qui met une pression énorme sur le ou les artistes,qui travaillent, suivant le succès avec une armée d'assistants.Assistants souvent recrutés suite à des concours lancés régulièrement par les éditeurs dans les mags.

Assistants qui souvent sont logés sur place dans des sortes de dortoirs pour une question de disponibilité,mal payés- dans l'anime c'est encore pire - qui progressent dans la hiérarchie des intervenants au fil du temps et du talent pendant plusieurs années,avant de quitter le "sensei" pour partir voler de leurs propres ailes.

Il faut savoir que même un richissime auteur comme Eiichiro Oda ,créateur de One Piece,travaille 14 heures par jours 7 jours sur 7.Un riche qui ne peut en profiter.

Les mangakas surconsomment des boissons énergisantes et caféinées pour tenir le rythme (dans les comics un certain Gene Colan prenait des amphétamines ) en cas de retards le responsable éditorial se déplace chez l'auteur pour le booster,il existe même un petit bâton dont j'ai oublié le nom qui permet à l"editor" de donner une tape à/aux l'artiste(s) à la bourre,pour les tenir éveillés quand ils s'endorment à leurs tables en plein travail....

Pour le côté créatif,souvent le "sensei" créateur de la série imagine l'épisode en cours pendant deux jours -avec conseils et remarques de son responsable éditorial,ensuite il découpe l'histoire,place plus ou moins sommairement les personnages principaux - encore un jour ou deux.Là les assistants interviennent jusqu'à l'épuisement pour tenir les délais....

Ensuite rebelote pour la semaine suivante.

(à suivre parce ce qu'il parait que j'utilise trop de caractères)

Plumoc a dit…


(suite)

Bien sûr ceci est un schéma de base,explicatif à gros trait,les rôles peuvent être définis très différemment suivant les cas.

Surtout il faut comprendre le manga comme une écriture avant tout,dont les "lettres " -la BD plus que du dessin pur est du code signifiant (une bouche plus ou moins ouverte ou des jambes plus ou moins écartée ne signifient pas la même chose pour un personnage ,et donc le lecteur qui en tire une expérience de lecture différente) -doivent être perçues non pas "manuscrites" comme dans les autre BD dans le monde ,mais comme des lettres "d'imprimerie",plus "mécaniques",ce qui fait que beaucoup de styles sont quasi identique,du "tampon".

Une écriture extrêmement riche ,sophistiquée,et très rationnelle,pour une narration avec souvent peu d'ellipses,dont il faut admettre qu'une partie nous échappera toujours.

Par exemple derrière des décors en apparence simple pour le non initié,une montagne à peine esquissée sera par le jeu du dessin pur et de l'écriture très calligraphiée asiatique,la même chose:ainsi la montagne sera dessinée et il y aura écrit montagne, avec le même trait.Ce qui créé une atmosphère et un effet particulier qui servent l'histoire,sa fluidité.

Très subtil et intraduisible.

Souvent les onomatopées jouent le même jeu.

Les mangas sont un champs de création séquentiel immense,très varié,souvent mésestimé parce que mal compris.

Voilà quelques repères sur le manga.Comme toujours à approfondir.

Il manque un Phil du manga.

A moins que la vocation arrive soudainement....:-)))

Philippe Cordier a dit…

Merci beaucoup pour ce topo, passionnant, et hallucinant
j'avais lu que les auteurs, même célèbres, sont toujours à leur planche, mais je ne réalisais pas que le créateur était proprio du perso alors que l'éditeur est toujours derrière lui, comme derrière un exécutant!!
Incroyable

Et je te laisse bien volontiers ma place pour ouvrir un blog manga et technique

Plumoc a dit…

A la relecture je ne sais pas si je suis clair avec l'exemple de la montagne.

Donc il faut comprendre que, par le jeu du dessin pur et de l'écriture calligraphiée ET très imagée de l'écriture asiatique,il est à la fois dessiné (sommairement en apparence) ET écrit MONTAGNE ,en même temps et avec le même trait.

Du "less is more" à la mode asiatique.

Après avec le côté "imprimerie/tampon",c'est très variable,évidemment. Le manga est tellement riche qu'il y a de tout,avec toutes les méthodes de création.


Oui les persos appartiennent aux créateurs, mais il semble que par le jeu des hiérarchies propre au Japon l'éditeur ait beaucoup son mot à dire,des droits,parfois contre l'avis du créateur comme pour les séries dérivées, à but avant tout commercial ,les produit dérivés ou les adaptations.

L'éditeur impose souvent une continuation des séries à -gros- succès aux auteurs qui veulent arrêter , parce que n'ayant plus rien à dire,parfois sur plusieurs années. Déclin fatal qui irrite les fans pas toujours conscients de la chose.

Les éditeurs peuvent même relancer les séries des années après avec d'autres auteurs,avec l'aval plus ou moins consenti des créateurs -voir Dragon Ball.

Un autre monde.




Pour en revenir aux comics,les mangakas ont été influencés par les américains au début ,Disney surtout mais aussi les strips et comics,avant que par le biais de Miller et évidemment les Image-boys qui ont vu Akira et surtout Toriyama et son Dragon Ball,le manga influence considérablement au tournant 90 les comics,par la dynamique et des poses de personnages en action quasi calquées sur celles de Toriyama .Ses anatomies en "bloc" aussi.

Jusqu'à aujourd'hui encore.

Philippe Cordier a dit…

ah oui carrément un autre monde (et ton exemple de la montagne était clair)
C'est vrai qu'il y a eu un balancier niveau influence Japon/ Us puis l'inverse
Voir l'expo Tezuka à Angoulême était éclairant, quant à l'influence Disney par exemple
Puis hop, Miller et Ronin...

J'ai pris l’intégrale Gipsy dessinée par Marini (pas encore lu)
L’influence Akira qui me "gonflait" lors de la sortie initiale m'intéresse aujourd'hui, surtout dans le cadre d'une intégrale montrant son évolution sur ce titre,allant du sous Akira au dessin proche de l'Etoile du désert (son meilleur boulot à mes yeux)

Anonyme a dit…

Passionnant cet échange sur les Mangas...

Merci Plumoc pour tes éclairages !

Il est quand même étonnant que la France soit le deuxième pays le plus consommateur de Mangas avec une progression de plus de 10% par an, ce qui est une grosse locomotive pour la vente de BD chez nous.

Les codes de lecture me semblent tellement subtils et complexes qu'il doit y avoir une autre explication à ce succès.

Il doit surement y avoir une autre raison, serait-il possible qu'une lecture au premier degré soit possible et déclenche un tel intérêt ?

Quel est le public de ces mangas ?

Population de geeks ?

Apparemment des adolescents accros à ces lectures ou des nostalgiques des anim japonais des années 80-90 (Dorothée génération ?)

Grand mystère pour moi en tous cas.

Philippe Cordier a dit…

pareil
j'ai souvent mis, majoritairement, cet engouement sur le compte de la primauté de l'histoire, l'abondance de pages pour un prix faible, et la grande régularité des sorties
Je pense toujours que ça compte puisque c'est aussi là une partie du succès des séries Netflix
+ une narration simple et claire
+ une énorme masse de sujets/cibles
Mais il y a probablement d'autres choses également

Plumoc a dit…

Une des raisons est ,je pense,que l'esthétique manga est très présente (jeux,animés,pubs....) mais ,surtout ,c'est son extraordinaire efficacité, qui joue mieux que quiconque des stéréotypes pour les codifier et les rendre explicites,dynamiques.

Il y a aussi le grand soin apporté aux éléments d'imprégnation et d'identification du lecteur,tel les expressions du visage extrêmement pensées, surtout la forme des bouches et la visibilité des dents plus ou moins esquissées suivant l'impact voulu,le tout sublimé par les grands yeux miroir de l'âme..... Sans parler de la grosse rationalisation des jeux de physionomie. De l'efficacité à l'état pur....pour qui y à été initié d'une manière ou d'une autre....


Cette expressivité est si importante que les artistes pressés par les délais, délèguent la plupart des interventions à leurs assistants ,mais se réservent l'encrage des expressions et des mains des personnages,surtout les principaux.

Il paraît qu'Hergé faisait la même chose.

Même dans les comics,j'ai lu que certains dessinateurs mécontents -des italiens- se chargeaient eux-meme de ça, avant de laisser le reste à la charge de l'encreur.