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vendredi 23 janvier 2015

Scott ou Kevin

Voici deux crayonnés, par deux auteurs de la même école (le 2nd découlant d'ailleurs du 1er) : Jim Lee et David Finch. Deux crayonnés (très) poussés de façon similaire mais traités différemment
Scott Williams approche son ami Lee avec un respect hallucinant, jouant sur les épaisseurs de traits de crayons pour les reproduire au mieux. Techniquement irréprochable
 
Alors que Kevin Nowlan est bien obligé lui aussi d'être minutieux tant la marge de manœuvre laissée par le dessinateur est quasi inexistante, mais il traite les fines hachures à sa façon, pas du tout celle de Williams (que je préfère pour le coup) 
Il parvient nettement à "signer avec la bouche"/ bas du visage, qu'il modifie un peu pour en faire du Nowlan
 

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Finalement l'association Finch+Nowlan fonctionne plus ou moins bien, quand on regarde le détail des muscles, on a presque l'impression de voir du Eaglesham.

Laurent Lefeuvre a dit…

Je ne te suis pas, sur ce coup, cher ami.

Nowlan corrige très discrètement des tics et soucis d'anatomie de Finch. On peut facilement le voir sur les images que tu proposes en cliquant tour à tour sur le crayonné de Finch et l'encrage de Nowlan : Ainsi, les différences "clignent à l'oeil", et se dégagent au regard.

J'ai pu constater 2-3 trucs de taille :

L'arrière du crâne de Batman, par exemple, vient très légèrement s'arrondir pour enlever une bosse disgracieuse qui enlève la verticalité propre à Bats, que Fich traite pourtant dans son crayonné comme il traite Wolverine : Une bête hirsute, grimaçante, et trapue.

Bof.

Idem pour le triceps : dessiné par Fich, il donne une position "constipée" à Bats "Tu la vois bien, ma grosse veine, là ?" que Nowlan lisse trrrrès légèrement (pour en enlever un peu de tension - improbable dans cette position).

Ca peut paraître bla-bla de dessinateur, mais je pense que le ressenti global du rendu final est "ressenti" par le lecteur, dessinateur ou pas.

Sans trahir l'esthétique Finch (dont il y a fort à parier que Nowlan n'est pourtant pas fan, lui qui appartient à une école plus rigoureuse, celle de la silhouette globale qui dit tout - façon Mignola, Timm... contre le maniérisme de la surface (Lee, et suiveurs comme Finch), Nowlan y amène sa maturité :Il réfléchit au personnage qu'il dessine, et affine la proposition de Finch, en "nuançant la partition" du corps, et du visage. Ce n'est donc pas qu'une proposition esthétique contre une autre (ce qui résumerait la problématique à "chacun ses goûts"). C'est une question de justesse "acteur/rôle".

Comme un réalisateur qui dirait à l'acteur principal "Tu en fais trop, calme-toi, ce sera plus juste".

Je classe Finch dans les acteurs bourrins, les Van-Damme.

Idem pour Jim Lee.

Scott Williams prolonge parfaitement Lee. Il n'y apporte rien, mais n'en retire rien non plus.

Habituellement, je préfère donc Lee (le modèle) à Finch (le suiveur), mais avec l'apport de Nowlan, le combo Finch/Nolan devient supérieur !

Comme Van Damme dirigé par Bertrand Blier, par exemple !

Autre détail : Dans le crayonné de Finch, la veine sur le biceps droit de Bats (à gauche donc) a la même importance graphiquement, que le contour du bras à la quelle elle appartient.

Il faut souligner le ridicule d'une veine aussi saillante,dans un costume type kevlar!

Alors Nowlan ne l'enlève pas, mais lui redonne sa juste importance, DERRIERE le contour du biceps.

Voilà son génie : Une grande technique au service d'une réflexion menée sur la compréhension d'un personnage.

Nowlan : 1
Williams : 0

Philippe Cordier a dit…

J'ai bien peur que tu ne sois pas dans l'erreur :)
Pour l'apport rationnel de Nowlan je te suis (le bras j'avais vu, mais pas la bosse sur la tête, super remarque) Mais la propension de Nowlan à faire siens les visages, et surtout les bouches,m'a toujours énervé,voire même parfois gâché le plaisir de lecture. Donc oui il apporte mais pour le coup je préfère le respect techniquement top de Williams, sur un Lee un peu bourrin certes mais tellement moins que Finch

Laurent Lefeuvre a dit…

Moi je les aime bien, les gueules à la Nowlan : Ces nez de rapace, yeux plissés, bouches en fente...

Nowlan m'a lentement "gagné à sa cause". J'aime polémiquer, tu me connais !

Ces temps-ci, il ne t'aura pas échappé qu'on manque tellement de réflexion, d'échanges sur la lecture d'un simple dessin...

Je crois que les dessinateurs ne vont plus devoir se contenter de dessiner et "balancer ça au peuple". On va bien devoir jouer le rôle de décrypteurs, de pédagogues, de "sensibilisateurs" à nos démarches.

Car à part quelques amoureux du dessin comme toi (et merci au passage, pour ce que tu fais et propose ici), qui d'autres que NOUS, dessinateurs, peut faire ce travail de décryptage, de transmission d'outils de lecture auprès des gens ?

Philippe Cordier a dit…

C'est sur
Un bon dessin, bien ,devrait se passer d'interprétation, mais malheureusement c'est souvent nécessaire
Pour revenir à Nowlan il m'a également trèèès lentement gagné à sa cause, à l'exception de ses visages. J'ai souvenir d'une quasi répulsion instinctive à la lecture de l'un de ses new Mutants, horrifié que j'étais par les visages. Bon j’étais jeune et à l'époque même Barry Smith avait qque chose qui me gênait (ce qui n'a pas duré)

Laurent Lefeuvre a dit…

Je vois de quel épisode, graphiquement très radical, dont tu parles (Titans 117).

Idem que toi.

A la même époque, ces couv de "Serval" me déplaisaient aussi.
J'ai changé d'avis avec son encrage sur le très moyen David Ross (Punisher), qu'il transfigure. Tu cites cet exemple dans ta conférence.

Et puis surtout, il y a eu cette collaboration avec Joe Quesada sur "Azraël" (vers 1992). Depuis, je suis émerveillé par le talent de ce type.

Philippe Cordier a dit…

Tout pareil sauf que je déteste encore ses couv sur serval) Sur Quesada c'était une merveille et sur Ross, j'en parlais à la conf, mais aussi là
http://philcordier.blogspot.fr/2010/05/un-encragelibre.html

JP Nguyen a dit…

J'adore le titre de cette entrée : ça fait très sitcom ou télé réalité!
Sinon malgré la docte démonstration de Laurent, j'accroche plus au combo Lee - Williams, l'autre étant plombé des le départ par Finch et sa bat - constipation.

julien a dit…

Messieurs, bonsoir.

N'étant pas dessinateur, j'ai un vrai regard de lecteur, naif et passionné. Le travail de Finch, que j'apprecie en couverture mais peu en BD, me semble étouffé par son encreur. Le plaisir de regarder le travail de finch ne réside pas pour moi dans le fait de savoir si la veine peu ressortir du kevlar et si, de par la position de son bras, il se créé une tension. je m'en fous totalement.
ce qui me plait chez finch (et me lasse aussi) c est cette tension justement, cette espece de violence et de noirceur qui impregne meme ses paquerettes. c est fascinant de voir le monde par ses yeux. c est aussi epuisant. et nowlan fait disparaitre tout ca, aseptise totalement le dessin. techniquement, c est probablement supérieur, mais emotionnellement, c est inférieur.
c est pour cela qu un liefeld, et ses tares hallucinantes, reste un dessinateur qui provoque chez moi une émotion, violente, ahurissante, grotesque souvent, mais une émotion.

Jim lee, que j'ai "vénéré" à l'époque de ses xmen (j etais jeune ado et dans ma tete je me disais : ca y est on a atteint le stade ultime du dessin, on ne peut pas faire mieux, plus propre, plus"classe") me laisse de marbre depuis, en gros, la fin de ses wildcats. meme son batman hush, superbe, ne degage plus grand chose. et pourtant, je pense que techniquement il ecrase finch.

Philippe Cordier a dit…

tu touches du doigt un truc primordial : l'émotion. Laurent continue à avoir raison, techniquement, mais c'est l'émotion qui prime. Or Nowlan fait en sorte de faire ressortir une émotion, par le biais de la technique étudiée, Mais c'est juste une émotion qui ne te touche pas, ou plutôt qui va à l'encontre de celle que tu recherches chez Finch. Car tout ce que Laurent (et moi par endroits) décortique là, n'oublions pas que ce n'est presque jamais de la technique pour de la technique. C'est au contraire un trait d'encre rationnalisé dans le but de provoquer quelque chose.
Je suis un peu comme toi pour Lee, même si voir ses Batman non encrées a fait remonté le gars dans mon estime
Ton commentaire est très intéressant car il recoupe ce que je martèle à longueur d'entrées quand je dis qu'un dessinateur "me parle"; Il va directement au cœur ou aux tripes. Moi ce fut (et reste) Romita Jr ou Miller (ce fut là pour le coup) Janson... Liefeld a toujours provoqué un simple rejet par contre chez moi :-)

Et JP merci pour l'allusion au titre, parfois j'aime être au plus près du décérébré que je peux être :-)