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lundi 25 mai 2020

Guides de couleur

Tout tout tout, vous saurez tout sur les color guides
Ou presque
Mais plus bas

Un color guide c'est ça
Ca n'existe plus
Il s'agissait de repro sur papier machine A 4, mises en couleur aux feutres ou autre outils du genre, par le coloriste
Ces indications étaient utilisées par un "séparateur"  qui retranscrivait ces couleurs, en principe sur ordi, pour l'impression du comics
J'ai acheté celles ci, très peu cher, il y a longtemps
Pour la plaisir de voir le n et b de ce run de JRjr que j'aime beaucoup (il est rare que le color guide reprenne aussi une repro n et b), et  le boulot pour le moins très rapide de Paul Becton



Je voulais en savoir davantage sur cette technique rendue obsolète par les nouvelles technologies ayant obligé les coloristes à passer au "tout ordi" ou à cesser de travailler

J'ai vu sur le net/site de vente, les color guides que vous découvrirez sous mon long texte, et j'ai donc décidé d'aller à la source, en interrogeant celui que je considère comme l’un des meilleurs coloristes des années 90, dans le contexte de production de l’époque chez Marvel, Gregory Wright
Un grand merci à lui d’avoir pris le temps de me répondre

Les colors guide que vous voyez ci dessus, avec les indication YR…(yellow, red…) étaient nécessaires pour que le « séparateur », celui qui au final allait poser les couleurs sur ordi, sache ce qu’il devait faire. Ces guides étaient en effet cela… des guides, permettant au final de poser les bonnes couleurs sur ordi. 
Le coloriste « disait » donc sur le guide, à destination du séparateur, « sache que la couleur que je te mets là, au marqueur en géneral, est YR3 c'est-à-dire 100% jaune et 50% rouge", ce qui donne un type de orange 
C’est pour ça que sur chaque guide il y a un trait qui pointe chaque zone de couleur et qui indique quelle couleur précise le coloriste souhaite
Ca, c’était quand la palette à disposition du séparateur et du coloriste, pour impression, était de 64 couleurs
Quand cette palette est devenue presque illimitée, il fut inutile de tout chercher à « coder » et du coup les séparateurs faisaient au mieux pour reproduire, sur ordi, ce que le coloriste avait fait sur son guide (pour rappel en général sur papier A4 de type papier machine)
Greg Wright me précise que les entreprises de séparation mettaient souvent différents séparateurs sur un même comics, et différentes pages, en même temps, pour gagner du temps, la colo arrivant en dernier dans la conception du comics et toujours à la bourre du coup. Et comme tous les séparateurs n’avaient pas tous le même œil ni le même talent pour « copier » les couleurs du guide…

Mr Wright, et je ne reprends pas tous ses termes fleuris, précise que Marvel n’utilisait pas que des séparateurs top niveau et à la longue il en a eut marre et s’est remis à coder ses color guides malgré tout, pour aider le séparateur.
Il me précise que lorsque Digital Chameleon (probablement le studio de séparation le plus connu) est arrivé, les séparateurs furent crédités plus régulièrement (vous constaterez sur le comics en dessous qu’ils ne l’étaient pas encore) et le boulot était nettement supérieur

Je trouve hallucinant que seul le coloriste était alors crédité, ne serait ce que parce que son taff était souvent changé, voire abimé, par les séparateurs alors qu’au final le lecteur le considérait comme seul responsable

Je n’ai montré à Greg Wright que la splash page ci-dessous, et son commentaire évoque clairement les évidents changements : « le ciel me gêne moins que la pauvre tentative d’éclairage des perso »
Et en effet on voit par exemple que si la lumière vient clairement de gauche, sur le corps de Spidey, il y a un essai de lumière arrivant aussi de la droite, sur le visage. C’est un détail mais quand même

Enfin, et ensuite je vous laisse avec les images, promis, je demande à Greg Wright si des séparateur essayaient de juste scanner les color guides (quand il n’y avait plus les indications de codes dessus bien sur) pour aller plus vite ou être plus fidèles aux couleurs du coloriste. Réponse : oui, parfois, mais ça ne fonctionnait pas bien.
Il termine en précisant que s’il peignait un fond, un décor, qu’il aurait aimé retrouver  à l’identique dans le comics,  il y a des séparateurs qui acceptaient de le scanner et de l’intégrer, mais la plupart des séparateurs utilisés par Marvel refusait

Voilà pour un survol d’une époque révolue. J’espère ne pas avoir été trop confus, je ne suis pas un spécialiste de la colo, loin de là
Voici donc des séquences d’un comics (de JRjr, et pas du meilleur, je sais, mais c'est moi l'patron ici)

Amusez vous à constater les changements, légers souvent, mais pas que.
















Allez une toute dernière, hors continuité, parce que je l'aime bien et qu'il y a de bonnes grosses nuances de différences entre le guide et la version imprimée

Bon ben en fait ca ne s'arrêtera pas, cette entrée, car je trouve encore deux pages intéressantes avant de la mettre en ligne : Man Without Fear Cette fois les color guides sont de Christie Scheele.
Il y a plus que des nuances dans les modif (sans compter ces damnées habitudes de virer le trait d'encre, planche 2 case 3)
Et l'on découvre au passage que bien des cases sans bord furent tronquées (case 1 p 1)
 
 
 


23 commentaires:

Cromosome a dit…

Y-a-t-il un bug ? Tout le texte passionnant sur Gregory Wright apparait en gris très foncé, ce qui le rend quasi illisible (et il m'intéresse beaucoup)...à moins que ce ne soit en lien avec l'entrée ? Aie pitié de ma vue de 45aire...

Laurent Lefeuvre a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Philippe Cordier a dit…

Merci Laurent. Je regarde ce bug dès que je serai sur ordi dans la journée

Philippe Cordier a dit…

bug over

Frédéric Steinmetz a dit…

Passionnant! Merci ! Par contre, la qualité de reproduction était différente en VO et VF. Je suivais les Thor de JrJr en VO, dont Wright assurait les couleurs, et le papier n'était pas glacé, contrairement à la VF d'époque. Et le résultat était beaucoup moins "saturé", donc plus agréable sur le papier "d'origine".

jimmyraker a dit…

Des color guides j'en ai deux que j'ai acheté il y a quelques années dans une librairie à Paris 6 … Je les ai trouvés sympa et intéressants et surtout si on les compare avec la page imprimée. En Belgique Hergé utilisait un bleu et Franquin utilisait un papier calque ou un Vangophan pour indiquer la couleur qu'il voulait et il était très souvent furieux du résultat.

Vinc a dit…

Merci pour ce sujet passionnant.
Tu décris ici une période de transition où les coloristes traditionnels ne savaient pas se servir d'un ordi et avaient besoin de "techniciens", qui étaient parfois bien plus que ça…
En général, ce sont le photograveurs qui assuraient ce genre de tâches. Ce métier a depuis glissé vers d'autres (coloristes, graphistes,…). Les éditeurs américains avaient des sous-traitants spécialisés dans cette tâche unique parfois, lorsque le travail s'est lié à la technologie numérique, surtout avec Digital Chameleon, Olyoptics computer crew,… société qui en plus de la connaissance technologique, devaient "vendre" les grandes capacités de leurs parcs informatiques.
Il-y-a donc un avant traitement informatique, qui a du dans certains cas durer jusqu'au milieu des années 90 et un après.
• Avant, le procédé était traditionnel avec la gamme de couleur réduite. Il doit bien exister des planches finalisées de ce genre d'ailleurs. Je ne connais pas le procédé exact, mais le résultat était moins soumis à interprétation, puisqu'on ne demandait pas au séparateur de faire des dégradés par exemple et donc de réinterpréter, mais essentiellement de ne pas déborder !
• Après, qui commence en partie dans les 80's et dont on peut dater l'avènement d'une production à grande échelle avec l'adaptation US d'Akira en 88, avec une mise en couleur de "Steve Oliff with the Olyoptics computer crew".
• Aujourd'hui, la question ne se pose plus et c'est le coloriste en effet qui gère entièrement la technique de ses planches.

Anonyme a dit…

Gregory Wright, Christie Scheele, Paul Becton... Voilà des noms que je croisais beaucoup durant l'adolescence, derrière celui des scénariste, dessinateurs et encreurs...
Pour ma part, j'aimais bien aussi (toute proportion gardée sur leur impact au final, au vu de la cuisine en arrière boutique que tu évoques !) Bob Sharen et Joe Rosas. Rosas a eu sa petite notoriété à une époque sur ces colors guide ; il paraît qu'il était très doué pour jouer du marker. Il avait finit par devenir les coloriste des Uncanny X-men. Je me demande bien ce qu'il est devenu...
Bob Sharen, lui, est resté plus visible. Il a jeté l'éponge des comics après presque 25 ans de carrière en 2001, sans doute à cause de la colo numérique. Il a quand même fini par se mettre au numérique, sous Photoshop, et monter une petite boîte où il produisait aussi (surprenant, mais finalement logique)... des vitraux !

Philippe Cordier a dit…

Bob Sharen est un nom qui me parle bien
Moins fana de Joe Rosas, mais peut être parce qu'il me semble que c'est lui qui s'est chargé des 1ers Uncanny X-Men "nlle formule" de Jim Lee et j'étais moins friand de son taff alors
Mais il me semble qu'il fut de ceux qui se sont le plus vite adaptés aux nouveautés technologiques

Et j'ai en effet associé la "révolution ordi" avec le travail de Steve Oliff sur Akira

Enfin pour ceux qui sont sur fb je ne peux que vous conseiller d'aller lire les posts récents de Greg Wright sur le travail des..encreurs. Passionnant

Frédéric Steinmetz a dit…

Rosas commençait à installer beaucoup d'effets de dégradés, mais un peu trop tape à l'œil. À l'époque, ça commençait à être "révolutionnaire", je me souviens que Marvel semblait à la traîne par rapport à Image (qui avait été chercher Oliff pour Spawn si je me souviens bien). Image avait un style de colorisation plus "moderne" et "maîtrisé" (ça reste à réévaluer avec le temps).

De Gregory Wright, je me souviens surtout de ses Spider-Man avec McFarlane, que j'aimais beaucoup !

Mais j'aimais beaucoup Christie Scheele (sur DD) ou Glynis Oliver (sur les Excalibur de Davis, c'était top !) parce qu'avec une palette de couleur réduite, l'approche se focalisait sur l'atmosphère, l'ambiance. La couleur apportait un sentent autre que la simple "démonstration". Depuis peu, je découvre l'incroyable talent de Janson. La récente entrée de Phil avec Buscema est flagrante à ce niveau!


Philippe Cordier a dit…

Greg Wright moi c'est sur le Punisher war zone qu'il m'a bluffé, par son utilisation intelligente du blanc
D'ailleurs, Fred, puisque tu cites mon entrée sur la colo de Janson, ce dernier m'a écrit, après l'avoir vue, pour me dire qu'il était surpris lui même par la qualité de son vieux boulot sur Kull et, justement, son utilisation du blanc

Vinc a dit…

Les coloristes actuels ont une approche écran et le rendu est sursaturé. Souvent, il passe mieux à l'écran que sur papier d'ailleurs.
Se servir du blanc du papier comme d'une valeur à part entière devient une denrée rare malheureusement. Heureusement, il-y-a les bulles ;)
Sinon, as-tu un lien pour le facebook de Wright et son post sur les encreurs ? Je ne le trouve pas.

Philippe Cordier a dit…

Pas les dernières entrées, mais pas loin
https://www.facebook.com/gwrightstuff

JPP a dit…

Je me pose une question sur "tout, tout savoir sur les color guides" : j'ai toujours pensé que le dessinateur était à l'initiative du choix des couleurs, avant le coloriste. Que le coloriste lui-même avait donc un premier color guide à respecter.
Je sais que les tâches ont très segmentées dans le comics, mais c'est quand même le dessinateur qui logiquement devrait décider de l'ambiance des couleurs à apposer sur ses dessins : là un fond à dominantes orange ou bleu, couleurs plus ou moins sombres, plus ou moins de contraste, ...
Mais peut être que je me trompe...
Après, il y a des exceptions, je sais que quelques dessinateurs sont plus ou moins fortement daltoniens (color blind) : John Byrne, Tim Sale, et le plus connu chez nous Albert Uderzo (ce qui explique peut être les couleurs merdiques des premiers albums d'Asterix).

Anonyme a dit…

Dans les comics américains, les dessinateurs laissent parfois des indications aux coloristes, effectivement.
Quelques exemples par la pratique sur les planches affichées juste en face de moi :
- sur une Alan Davis : en marge en vertical, "Color : Panel 4 : vision : Alien F/X" (on voit la scène par les yeux de l'extra-terrestre en question)
- sur une de mes Giordano/Layton avec une scène d'orage : les éclairs sont dessinés en rouge pour repère pour le coloriste, puis indication sur la suite du process en marge verticale là-aussi : "Drop red lines"

Puisque JPP parle du cas de Byrne, je me souviens de planches où il donnait lui-aussi justement des indications de couleurs en marge... sans doute pour être sûr du résultat final ! (même lorsque Marvel ou DC lui envoyaient le comic après publication quelques temps plus tard, il ne savait probablement pas, du coup, faire la différence !)

Anonyme a dit…

Mince, j'avais oublié que l'indication de Davis de l'autre côté de la planche concernait aussi la couleur... (mais pourquoi je n'ai pas tourné la tête dans l'autre sens... Pfuuu) :
"Color : Panel 5 : invisible - Predator F/X" (l'extra-terrestre a un mode camouflage à la Predator)

Anonyme a dit…

Totale coïncidence, je tombe là-dessus :

https://www.2dgalleries.com/planches/2020/135/campanella-superman-batman-3e9s.jpg

(1999)

Visiblement, Dave Taylor était un vrai control freak, lui !!! LOL
Regardez-moi çà !!! Y en a partout sur tous les bords !!! Jamais vu çà !!! LOL

Anonyme a dit…

(Je comprends mieux en lisant sa fiche Wiki : https://en.wikipedia.org/wiki/Dave_Taylor_(comics) )

JPP a dit…

Ca me rappelle aussi une interview de Vittorio Leonardo qui racontait que, dans le temps, les indications de couleurs étaient apposées directement par les dessinateurs au dos des planches originales.

Philippe Cordier a dit…

JP il faut savoir ou se souvenir que si les comics sont une industrie aujourd'hui, c'était encore plus le cas avant, avec une régularité/mensualité imposée
Le dessinateur pouvait, s'il le voulait et en prenait le temps, noter des indications de couleur mais bien peu en notaient, si ce n'est "nuit", jour", soleil couchant...
Parfois l'encreur : Klaus mettait des notes quand il ne mettait pas en couleur lui même
J'ai une planche de Byrne sur Next men où il note "attention, derrière le bureau c'est le genou de..."
Le coloriste compétent, comme l'était Greg Wright et bien d'autres, pouvait parfois s'appuyer sur le scenar, quand il l'avait, mais il utilisait surtout le dessin pour aller dans le même sens (ou pas)

sur le FB, Leonardo est un mythe (ca ne veut pas dire qu'il n'existe pas : ), et les colo sur calques de Franquin des merveilles

Paul Raffy a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
cromosome a dit…

Effectivement les explications de Greg Wright valaient le coup ! Je n'avais aucune idée de ce qu'était un " séparateur " et même que ça existait ! Le processus de travail me paraît hallucinant (un coloriste + des séparateurs qui " interprètent ". Encore une super entrée, merci Phil !

Philippe Cordier a dit…

Merci, moi j'étais supris de voir des crédits de "color separators" dans mes comics des années 90, et quand j'ai découvert les premiers color guides sur ebay je voyais bien des différences, mais je n'avais pas plus de précisions que ça
Ca me titillait
Ce me gratte moins maintenant : )